Les célébrations qui ont suivi la Coupe du monde 1998 de foot ont laissé le Rond-point des Champs-Elysées dans un triste état… Les sculptures de Max Ingrand qui trônaient au milieu des six pièces d’eau cernant la place depuis 1958 ont été piétinées, laissant cette place emblématique de Paris dans un état de semi-abandon. Il y a trois ans, la Ville de Paris a donc chargé les Bouroullec d’imaginer un dispositif pour redonner vie à cette place rendue chaotique par l’empilement des aménagements urbains. La fratrie a souhaité s’inscrire en douceur dans un contexte géographique et culturel très particulier. Comme le souligne Ronan, « les Champs-Elysées sont « un lieu à la fois prestigieux et populaire, où s’expriment les joies comme les colères des Français ».
Les designers ont conçu un dispositif constitué de six fontaines identiques, chacune implantée dans un bassin, ce qui permet au rond-point de retrouver une certaine symétrie. Pour autant, ces fontaines conservent une hauteur modeste (13 mètres) pour se fondre en douceur dans l’alignement d’arbres qui scandent l’avenue et marquent côté sud le début des avenues Montaigne ou Matignon.
Les fontaines déploient chacune un mât en bronze élancé, hérissé de branches d’où l’eau ruisselle en scintillant le long d’une chaîne de cristal illuminée durant la nuit. Les Bouroullec ont travaillé avec Swarovski qui a développé spécialement un cristal ultra-résistant et qui n’éclate pas s’il est soumis à de fortes pressions. Le reste du dispositif a été fabriqué par des artisans de toute la France qui ont développé des pièces sur mesure. En termes de design, les deux frères affirment avoir recherché la simplicité pour simplifier l’entretien et allonger la durée de vie de leur œuvre. Et contrairement à beaucoup de fontaines parisiennes, tout le mécanisme hydraulique de propulsion a été rendu invisible, dissimulé sous la surface du rond-point.
Les six fontaines tournent sur elles-mêmes de façon très lente (entre 0,5 et 2 tours par minute) comme pour créer un ballet qui se cale sur le rythme des passants et les apaise par sa présence et son bruit d’eau qui étouffe le bruit des moteurs. Elles procurent ainsi de la fraîcheur en été et une poésie chaleureuse en hiver. Comme les autres fontaines parisiennes, elles seront mises hors d’eau durant les mois les plus froids mais continueront de tourner. Lors de la présentation à la presse le 12 mars, Ronan remarquait que durant les travaux d’installation, il avait pu constater que le cristal permettait de refléter l’ambiance de la ville : grise sous un ciel menaçant, rosée lors d’un coucher de soleil…
Le chantier, d’un coût total de 6,3 millions d’euros a été financé par le Fonds pour Paris, un organisme privé créé à l’initiative de la mairie de Paris afin de fédérer les mécènes (Dassault, Swarovski, Galeries Lafayette, amis aussi le Qatar…) qui souhaitent soutenir des projets d’infrastructures culturelles et patrimoniales dans la capitale. Après s’être longtemps focalisé sur les seuls projets de design industriel, les Bouroullec semblent avoir jeté leur dévolu sur la ville depuis leur exposition à Rennes où ils formulaient des propositions pour l’espace urbain. Après des kiosques à Paris et Rennes et un aménagement paysager à Miami, ils signent un projet phare pour Paris.