Qui, de l’homme ou de l’objet, domestique l’autre ? Est-ce bien la question que pose cette exposition ?
Et si, en effet, c’étaient les objets qui nous domestiquaient ? L’idée est de questionner la relation qui nous lie à eux. Comme le suggère le sociologue et anthropologue Bruno Latour, il s’agit de porter un regard moins teinté de rationalité sur les objets qui nous entourent. Ou tout au moins d’y introduire de la nuance. Pour asseoir sa démonstration, Bruno Latour s’appuie sur les fétiches, créés par des sociétés traditionnelles aux croyances teintées d’animisme, qu’il appelle des « objets chevelus ».
Comment les artistes réagissent-ils face à l’omniprésence des objets au quotidien ?
Ils choisissent de les intégrer à leurs modes de création et parfois de les détourner. L’exposition, qui s’organise autour de la collection du Frac (riche de 1 500 pièces), débute avec les années 60, mais elle aurait pu démarrer bien plus tôt avec le ready-made de Marcel Duchamp (dont le Porte-bouteilles date de 1914, NDLR), car les objets sont liés à l’histoire des mouvements artistiques ; ils sont devenus des éléments constitutifs des œuvres. Il y a, par exemple, les classements d’objets de Hans-Peter Feldmann. En individualisant de simples objets du quotidien, l’artiste allemand leur permet d’acquérir une qualité plastique et un caractère poétique. Comme Erik Dietman, dont les « tableaux-reliefs », des objets recouverts de pansements, invitent à se questionner sur la fragilité de l’objet et, par là même, sur sa valeur. Et puis, il y a les artistes qui travaillent sur l’affect. Oui, l’objet peut prendre son autonomie ou ressentir des émotions. C’est la chaise de Philippe Ramette qui se suicide par pendaison ou celle de Marti Guixé (@martiguixe) qui se rebelle contre la discrimination subie par les chaises en plastique.
« Les objets domestiquent ». Au Frac Nord-Pas-de-Calais, à Dunkerque (59), jusqu’au 26 août.