Avec l’agence SCAU, ils viennent tout juste de remporter un concours d’envergure, celui de l’Arena porte de la Chapelle, futur temple des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, dans le XVIIIe arrondissement. Un aboutissement qui ne doit rien au hasard puisque NP2F interroge le rapport du sport à la ville depuis plus de dix ans. Le quatuor qui compose ce studio d’architecture croit fermement en la capacité de ces équipements sportifs – les plus emblématiques comme les plus ordinaires – à contribuer au dynamisme de nos métropoles.
Mais revenons-en au commencement. Aux origines de la création de NP2F, le sud de la France, où se sont rencontrés François Chas (né en 1981), Nicolas Guérin (1978), Fabrice Long (1979) et Paul Maître-Devallon (1979). Amis d’enfance, Nicolas et Paul sont originaires de Marseille. À 200 km de là, Fabrice et François, également proches depuis leur plus jeune âge, ont grandi à Nice. Leurs chemins se télescopent à l’École nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Marseille, où ils débutent tous les quatre leurs études.
Chez NP2F, architecture et urbanisme ne font qu’un
Mais c’est à celle de Paris-Malaquais qu’ils achèveront leur cursus et obtiendront leur diplôme en 2006. S’ils font leurs premières armes dans des agences renommées (Herzog & de Meuron et AUC pour Paul ; Lacaton & Vassal pour Nicolas ; AUC et ANMA pour Fabrice et François), ils décident rapidement, dès 2009, de s’émanciper pour créer NP2F – les initiales de leurs prénoms –, guidés par l’envie de s’exprimer sous une appellation qui les représente.
Chez leurs illustres aînés, ils se sont forgé une conviction : celle que les métiers d’architecte et d’urbaniste ne font qu’un. Mais également que l’échelle du territoire est celle de tous les possibles. En 2010, ils figurent parmi les lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes (AJAP), prestigieux concours organisé par le ministère de la Culture, qui récompense tous les deux ans des professionnels européens de moins de 35 ans. L’agence n’a alors à son actif que quelques projets privés (des appartements, des boutiques, des bars-restaurants…). Le quatuor est également lauréat d’Europan 9 avec Les Rues de Delémont, un programme interrogeant les espaces publics en Suisse et augurant d’un véritable intérêt pour l’échelle du territoire.
Une décennie plus tard, NP2F s’est fait un nom sur la scène architecturale française. Installée dans un local industriel entièrement réaménagé du nord de Paris, l’agence compte aujourd’hui 28 personnes. En découdre avec les solutions toutes faites, aller au-delà des réponses strictement fonctionnelles, s’affranchir des questions d’échelles, c’est ainsi que NP2F envisage sa pratique. Refusant toute idéologie, considérant que chaque projet est un nouveau commencement, ses quatre fondateurs ont pour moteur principal l’envie.
Le sport comme domaine de prédilection
En 2011, à Châlons-en-Champagne (Marne), associés à Caractère spécial §, studio de l’architecte Matthieu Poitevin, ils livrent le Centre national des arts du cirque (CNAC), qui leur ouvre les portes de la commande publique. Ils sont ensuite nommés pour le prix Mies van der Rohe 2015 avec un équipement sportif réalisé à Alfortville (Val-de- Marne) dans un quartier résidentiel. Le sport devient rapidement leur domaine de prédilection. En 2014, ils présentent « Sports, portrait d’une métropole » au pavillon de l’Arsenal, une exposition qui leur offre l’opportunité de synthétiser le fruit de réflexions menées depuis leurs études sur ce thème. Partant du constat que les activités sportives sont souvent invisibles dans la ville et généralement accomplies en plein air ou dans des bâtiments opaques et fermés, NP2F souhaite renverser la tendance et milite au contraire pour que cette pratique participe pleinement de la vie urbaine : « Le lieu du sport ne peut pas être qu’une affaire de techniciens. Le sport, vécu quotidiennement par chacun, ne se développe pas uniquement dans des enceintes prestigieuses, des équipements consacrés ou des stades. Nous pensons qu’il est possible d’imaginer des espaces sportifs créant une urbanité puissante sans moyens financiers ou spatiaux importants. Le sport est partout et polymorphe. »
Une esthétique dénuée de superflu
Le calendrier leur est plutôt favorable. Après l’Euro de football, organisé en France en 2016, les Jeux olympiques et paralympiques se dérouleront à Paris en 2024. L’appétence pour la pratique n’a jamais été aussi forte dans la capitale française, largement sous-équipée en la matière. Pour NP2F, la ville doit regarder le sport et le sport doit regarder la ville. Ce qui suppose une mise en scène dont l’architecture est partie prenante. Les bâtiments du quatuor forment des abris protégés de l’eau et de l’air, mais généreusement ouverts pour accueillir toutes sortes d’activités. Plusieurs de leurs projets actuels témoignent que ce domaine s’est imposé comme une marque de fabrique. À Bordeaux, ils édifient par exemple une « cathédrale des sports » de 16 000 m2 dans le nouveau quartier Brazza, situé rive droite de la Garonne. Ses plateaux superposés sur six niveaux offrent des hauteurs sous plafond différentes. Le bâtiment est conçu comme un assemblage simple de dalles et de poteaux sans façades. Une architecture efficace qui va à l’essentiel et produit une esthétique dénuée de superflu.
Cette écriture, que partagent plusieurs jeunes agences en France, est avant tout dictée par l’économie, tout autant qu’elle se révèle la manifestation d’une réaction nourrie par une décennie d’architecture bavarde et dispendieuse. Elle aussi liée à la force et à la pureté du dessin auquel s’attache NP2F : « Quelle que soit la dénomination apportée – architecture, urbanisme ou design –, nous croyons que toutes les complexités spatiales du territoire se dessinent et que c’est du dessin que naît le premier acte de construction. Il est l’outil de la compréhension des logiques préexistantes et de la préfiguration des potentiels. Une forme doit avoir une intelligence. Nous y attachons donc une importance majeure et permanente ; nous estimons que c’est de la qualité du dessin que pourront naître la solidité, l’utilité et l’élégance des espaces produits. »
Aller au plus important
NP2F fait ainsi partie de cette génération qui s’est développée et a évolué dans une conjoncture où l’économie des projets est devenue cruciale. Ses architectes n’ont pas connu les grandes heures de la commande publique. Ils envisagent cet état de fait comme une force qui les pousse à aller au plus important. « Il est souvent nécessaire de concentrer nos efforts et l’économie de l’opération sur quelques points précis : une hiérarchie de gestes devant permettre de se focaliser sur l’essentiel. Un élément, aussi anodin soit-il, peut à lui seul changer l’image globale et la qualité d’usage d’un lieu. Cela revient à s’inscrire en faux devant tout déterminisme ; la taille ou les contraintes d’une intervention ne peuvent justifier une posture a minima, bien au contraire. »
NP2F veut sortir d’une vision traditionnelle de l’architecture
François Chas, Nicolas Guérin, Fabrice Long et Paul Maître-Devallon viennent de démontrer que la grande échelle ne les effraie pas. Avec Office (Kersten Geers et David Van Severen), ils ont achevé un programme de 120 logements sociaux sur le site de la caserne de Reuilly, dans le XIIe arrondissement parisien. Ils réaliseront également, à Marseille, l’Institut méditerranéen de la ville et des territoires (IMVT), qui regroupe trois institutions, dont une nouvelle mouture de l’école qui les accueillit pour leurs études, l’ENSA. Un concours remporté face à des signatures confirmées, telles que Marc Barani ou Aires Mateus. Dans l’habitat, comme dans tous les programmes auxquels ils s’attellent, ils souhaitent sortir d’une vision traditionnelle de l’architecture : « Nous nous positionnons intellectuellement en permanence entre une attitude phénoménologique, voire intuitive, et une ambition culturelle référencée créant les conditions d’un ordonnancement plus abstrait de l’espace. C’est ce socle qui établit spécifiquement notre approche, aussi bien dans la réalisation de projets concrets et pragmatiques que dans l’engagement et la recherche incessante des nouveaux champs que doit s’attribuer l’architecture. » Un pied dans l’Histoire, un pied dans le tangible, ainsi va NP2F. Une chose est sûre, on n’a pas fini d’entendre parler d’eux.
> 188 bis, rue de Crimée, 75019 Paris. Tél. : 09 70 19 29 28. www.np2f.com