News Photo : Le regard complice de Sabine Weiss

La plus espiègle des photographes helvètes vient de remporter le prix Women in Motion. À 96 ans, Sabine Weiss savoure la prestigieuse récompense. Actuellement exposée dans la capitale, cette pétillante Parisienne d’adoption évoque une vie vouée au 8e art.

Enfant, Sabine Weiss (née Weber) n’a jamais aimé l’école. Elle l’abandonne à 17 ans. Indépendante, elle quitte le foyer familial pour entrer en apprentissage chez Paul Boissonnas, historique studio de photo à Genève. Pendant trois ans, elle découvre et pratique toutes les techniques. Cette aventure lui plaît : c’est décidé, elle en fera son métier. Après une rupture amoureuse, elle quitte les rives du Léman et rejoint Paris pour assister Willy Maywald (1907-1985), célèbre photographe de mode et portraitiste. Mariée en 1950 au peintre américain Hugh Weiss, elle rencontre des sculpteurs, des musiciens et des écrivains qu’elle immortalise.

Une promenade photographique

Tous les sujets l’intéressent, surtout les habitants de son quartier de la porte Molitor à Paris. Elle réalise des clichés lors de promenades nocturnes avec son époux comme modèle, « la télévision n’ayant pas intégré tous les foyers français », comme elle aime le rappeler malicieusement. Son approche rattachée au courant humaniste l’amène à rejoindre l’agence Rapho en 1952. Seule femme, avec Janine Niépce, parmi ses confrères photo-reporters, elle enchaîne les commandes et expose pour la première fois en remplacement de Robert Doisneau.

Malgré sa participation à deux expositions majeures au MoMA, à New York, elle n’imaginait pas montrer ses images ailleurs que dans Vogue ou dans le New York Times. Collaborant avec la presse internationale jusqu’aux années 2000, elle connaît sa première rétrospective en 2016, au Jeu de paume. Comme elle le rappelle, « la chose que j’ai évitée, ce sont les photos de guerre. Sinon, j’ai promené mes appareils partout : à la morgue, à l’usine, à la chasse à courre, dans les ateliers d’artiste… J’ai photographié toutes sortes de personnalités, du pianiste Arthur Rubinstein (qui exigeait qu’on le maquille) à Françoise Sagan (qui me demandait de venir la photographier à trois heures du matin, à la sortie des boîtes de nuit). » Sabine Weiss, née en Suisse, en 1924, naturalisée française en 1995, lauréate du 2e prix Women in Motion, décerné par le groupe Kering en collaboration avec Les Rencontres d’Arles, a légué ses archives au musée de l’Élysée, à Lausanne.

> « Sabine Weiss. Sous le soleil de la vie ». Les Douches la Galerie, 5, rue Legouvé, 75010 Paris, jusqu’au 27 février. Tél.: 01 78 94 03 00. Lesdoucheslagalerie.com

Photo en Icône : New York (1955).
Photo en Couverture : Petite gitane et Manitas de Plata aux Saintes-Maries-de-la-mer (1960).

Niki de Saint Phalle, Paris (1958).
Niki de Saint Phalle, Paris (1958). Sabine Weiss
Alberto Giacometti dans son atelier, Paris (1954).
Alberto Giacometti dans son atelier, Paris (1954). Sabine Weiss
Sabine et son Rollei (1953).
Sabine et son Rollei (1953). Sabine Weiss