Couleurs vives, design festif et joyeux, formes géométriques, le tout mâtiné d’un peu de pop art et de mouvement Memphis. Bienvenue dans l’univers des créatifs du New London Fabulous, qui se sont donnés comme mot d’ordre le réenchantement nos espaces urbains.
Des designers de tous horizons
C’est à Adam Nathaniel Furman que l’on doit cette fringante dénomination. Interrogé dans le cadre du Dezeen’s Virtual Design Festival, le designer tenait à préciser qu’il y avait toute « une vague de designers d’horizons divers et multiculturels qui étaient largement intéressés par des thèmes similaires » aux siens. « Le journaliste a demandé s’il y avait un nom, ce qui n’était bien sûr pas le cas, et presque comme une blague j’ai dit New London Fabulous, comme nous faisons tous un travail qui est à l’opposé de la fausse-sophistication terne et posée de ceux qui nous ont précédés, et d’une certaine manière, ça a collé ! »
Effectivement, il n’y a rien de terne dans les créations du créateur, à l’image du « Democratic Monument ». Cette proposition d’hôtel de ville, à destination des communes du Royaume-Uni, s’habille de carrelages rutilants, et s’orne d’une myriades de styles architecturaux comme pour faire écho aux différentes communautés de la ville où il serait implanté. Mais ces couleurs vibrantes ne sont pas seulement là pour égayer un feed Instagram, mais aussi pour refaire de la ville un espace de joie.
New London Fabulous redonne la ville aux citoyens
Un véritable travail sur les espaces publics, que l’on retrouve chez Camille Walala, dont les créations sont guidées par une véritable volonté de réappropriation du domaine urbain, et d’y insuffler une note d’optimisme, à l’image des bancs du « Walala lounge » qu’elle a conçu en 2019. « Je voulais faire du loufoque, pour en faire susciter des échanges entre les passants : j’ai eu les larmes aux yeux, quand j’ai vu une vieille dame s’y asseoir et entamer une conversation avec les ouvriers d’un chantier à côté. C’était touchant de voir les gens, pas seulement se croiser dans la rue, aller de boutique en boutique, mais communiquer. »
Même constat sur son intervention dans le quartier de la City, à l’occasion de la 15e édition du London Design Festival. « On m’a donné un carré d’herbe. Les gens passaient devant avec leur Starbucks matinal à la main, de manière robotique. J’y ai installé un énorme château gonflable, d’inspiration Memphis, et des familles sont venues pique-niquer, s’installer sur des transats, les enfants jouaient etc. On a redonné la ville aux citoyens, mais de façon ludique, colorée et joyeuse. » Une initiative qui a été renouvelée en 2020, lors du festival Design District à Hong Kong.
Dans la famille des muralistes, il y a Yinka Ilori, qui revendique via son art, son héritage britannique nigérian. L’artiste, qui a commencé sa carrière en upcyclant des meubles vintage, a enchanté la capitale britannique avec ses messages positifs : « Love Always Wins » ou encore « Better Days are Coming I Promise » sur la façade d’un bâtiment du NHS.
Pour Vincent Grégoire, du bureau de tendance NellyRodi, ces jeunes créatifs font bien plus que de « jolies images ». « Ils visent à réenchanter la société, la ville, la vie, par le design, à travers des références populaires multiculturelles, faussement naïves qui s’adressent à la génération Ikea. Ils sont les promoteurs d’une nouvelle inclusivité, avec des messages colorés, feel good. Mais attention, ce n’est pas du décoratif pour du décoratif !»
Une réponse populaire au Brexit et à la morosité
Ainsi, Camille Walala est intervenue dans un quartier défavorisé de l’est de Londres, en œuvrant sur les façades d’une rue qui n’avait pas bénéficié des largesses financières des Jeux Olympiques de 2012. «Je redoutais que les propriétaires ne donnent pas l’autorisation, mais tout le monde a été convaincu! Parmi les palettes proposées, c’est celle aux couleurs les plus vives qui a été réclamée ! se remémore-t-elle. Une façon pour l’artiste de redonner de la fierté à cette rue ; on leur a donné de l’amour, de l’intérêt. »
Pour le scruteur de tendance, l’énergie joyeuse des New London Fabulous, est aussi un contrepied à une ambiance morose qui n’a pas attendu la pandémie pour se manifester: « Il y a du désespoir face aux mouvement populistes, face à la mainmise des spéculateurs sur l’architecture et l’immobilier, face au Brexit, il y a un contexte très étrange à Londres.» Une réponse colorée, multiculturelle, qui met aussi un point d’honneur à être accessible, loin des galeries peu accueillantes . « Je ne suis pas du tout dans une démarche élitiste, souligne Walala. Mon art est populaire, et je veux qu’il touche tout le monde. »
« L’univers des collectionneurs est bien éloigné de celui de la majorité des Londoniens, poursuit Grégoire. Certes, il existe aussi le métavers et les NFT, mais ça reste aussi très excluant. En plus d’être accessibles, ces créations urbaines nous reconnectent avec le quotidien, nous font lâcher ces écrans que l’on a trop regardé pendant la pandémie, et l’on réinvestit la rue, considérée comme anxiogène parce que polluée et insécurisée.»