Musique & Design : Les trois objets essentiels de Flavien Berger

Cet été, IDEAT invite la fine fleur de la musique actuelle à quitter son univers sonore le temps d’une entrevue. Le programme ? Évoquer son rapport au design et à la décoration d’intérieur à travers une short-list de trois pièces finement sélectionnées. Aujourd’hui c’est Flavien Berger qui nous livre trois coups de cœur.

Avant d’entamer sa carrière de musicien, l’interprète de Contre-Temps est passé par l’ENSCI (École Nationale Supérieure de Création Industrielle). « J’étais très content de faire ces années d’études. J’ai réussi à obtenir mon diplôme, mais j’étais un piètre élève, se remémore-t-il. Aujourd’hui, je m’entoure de designers et de designeuses pour envelopper la musique que je produis, notamment à travers l’attention portée à la scénographie, mais je ne suis pas designer. Ce que je designe, c’est la musique. »

Dans la vie de tous les jours, l’artiste dit privilégier l’occasion : « J’achète en seconde main ou je fabrique mes meubles, mais il ne s’agit pas de meubles “designés”. Ils sont purement usuels et faits à partir de planches et de vis. Il n’y a rien de neuf chez moi. » Un goût pour la récup’ qui se retrouve dans sa  sélection…


1/ « Coconut Archaeology » de Claire Lavabre

Flavien Berger : « Il s’agit d’une lampe faite à partir d’assemblages d’éléments existants, comme des noix de coco, et plein d’autres objets qu’elle récupère. L’objet se dessine par assemblage. Ce que j’aime bien dans cette pièce, c’est que sa forme vient d’objets particuliers, mais en même temps, ce n’est pas une pièce unique, cela reste du design d’édition parce qu’elle en fait plusieurs. A partir de la quantité d’éléments qu’elle a à sa disposition (ici, noix de coco, scotch aluminium, échelles photographique, impression 3D, composants électriques, NDLR). Elle fabrique un archétype. J’aime l’idée qu’elle utilise des objets déjà existants”. Une création qui fait écho aux enjeux écologiques de notre temps, affirme-t-il : « On ne peut plus faire du design aujourd’hui comme on le faisait pendant les 30 glorieuses. »

Lampe Coconut Archeology de Claire Lavabre.
Lampe Coconut Archeology de Claire Lavabre. Claire Lavabre

2/ Pochettes « Ruby Eye » de Flora Langlois (Comme des Garçons)

Flavien Berger : « Cette designer a dessiné pour Comme des Garçons un motif qui s’appelle “Ruby Eye”. C’est une collection de maroquinerie de quatre modèles, avec des couleurs et des formats différents. J’apprécie aussi son travail pour son studio baptisé “La Falaise” car elle est à mi-chemin entre figuration et abstraction. On y retrouve des évocations de l’héraldique, des arabesques, etc. J’aime beaucoup sa démarche car elle perpétue une espèce d’artisanat du motif. Elle prend la question de l’ornement à cœur et revendique une filiation avec les Arts Décoratifs. Et pour moi, c’est cela aussi le design. Ce n’est pas un objet en soi, mais c’est tout aussi important que l’objet. »

Les portefeuilles et pochettes Ruby Eye de Flora Langlois (La Falaise) pour Comme des Garçons.
Les portefeuilles et pochettes Ruby Eye de Flora Langlois (La Falaise) pour Comme des Garçons. La Falaise

3/ Les ouvrages pour enfant de Iela Mari

Flavien Berger : « C’est un petit pied-de-nez à l’histoire du design que je me permets de faire ici. Je veux parler de Ilea Mari, la femme d’Enzo Mari. On met beaucoup de designers en avant, et j’aimais bien l’idée de mettre en avant la femme d’un designer connu. Dans un premier temps, je voulais proposer la chaise d’Enzo Mari avec ses plans libres de droit (“Autoprogettazione”), car il n’y a, d’après moi, pas meilleur design qu’un design open source. Pour revenir à Iela Mari, elle a écrit des ouvrages que l’on pourrait appeler “des livres pour les enfants” comme La Pomme et la Papillon, Les aventures d’une petite bulle rouge, L’oeuf et la poule, etc. Son graphisme est d’une poésie… Elle me touche énormément. C’est très distingué, c’est très classe et ça n’a pas d’âge. Je trouve qu’ils ont cette magie des livres pensés pour les enfants mais pas seulement. Les dessins et le graphisme touchent tout le monde. Nous sommes liés aux livres que nous lisons petits parce qu’ils nous ramènent à cette époque. Mais je trouve que c’est encore plus fort quand on découvre ce type d’ouvrages une fois adulte et que l’on s’y attache. »

La Pomme et le Papillon de Iela et Enzo Mari (Ecole des loisirs).
La Pomme et le Papillon de Iela et Enzo Mari (Ecole des loisirs). DR