Qui croirait que ce fauteuil édité aujourd’hui date de 1954 ? À cette époque, son concepteur, l’architecte et designer Gio Ponti, alors âgé de 63 ans, est en pleine phase de transition. Après avoir été l’un des piliers des arts décoratifs des années 30, évoluer vers un mobilier au dessin plus contemporain lui apparaît comme une évidence. De fait, quoi de plus normal pour un architecte qui participe, au même moment, à la construction du plus haut gratte-ciel d’Europe, la tour Pirelli (127,1 mètres), à Milan ?
La pureté des formes signées Gio Ponti
Vu de dos, ce fauteuil rebaptisé Round D.154.5 se distingue par deux tiges plates en frêne courbé. Structurelles autant qu’esthétiques, elles partent du dessous de l’assise, qu’elles soutiennent, et remontent jusqu’en haut du dossier. La bonne idée, c’est de choisir un tissu ou un cuir en harmonie avec la finition des pieds, en acier chromé ou en laiton brossé.
Un fauteuil datant de 1954
La fonctionnalité s’impose, pour lui, presque nue. Et ce fauteuil Round D.154.5 en témoigne. Après avoir consulté les très riches archives de Gio Ponti, à Milan, dirigées par Salvatore Licitra, son petits-fils, l’éditeur Molteni & C ressort un modèle finalement inconnu du grand public. Le label l’a intégré à sa collection « Heritage » en faisant ce constat : ont été conçus de si beaux projets de design en Italie qu’il importe d’y piocher ce qui demeure d’actualité…
Le nom du projet, Round D.154.5 découle de la forme arrondie de l’assise et des dossiers, dite « en savonette »Dans les films italiens des années 50, il est fréquent de voir ce mobilier décorer des intérieurs bourgeois. Reflétant l’esprit novateur des personnages, il souligne là encore combien l’Italie et Milan ont été très tôt le creuset d’une grande modernité.
Le fauteuil légendaire à huit pièces
Dans la vraie vie, on retrouve le fauteuil Round D.154.5 à la villa Planchart, à Caracas (1955), ou à l’Institut culturel italien de Stockholm (1957), des projets (cultes) signés Ponti. C’est sur ce même siège que la compagnie aérienne Alitalia recevait ses clients dans ses bureaux de Manhattan, en 1958. Les entreprises de ce secteur ne souffraient que le mobilier dernier cri. La designer française Charlotte Perriand l’a prouvé avec Air France, de Paris à Brazzaville. Gio Ponti, né avant elle, reste pourtant d’une modernité inclassable.