Craig Robins en est la preuve vivante et Miami lui doit beaucoup. Promoteur immobilier féru d’art, il a d’abord ressuscité le quartier Art déco de South Beach dans les années 80 avant de créer la foire Design Miami, puis le fameux Design District. Ce vaste mall à ciel ouvert réunit les grandes marques de luxe internationales dans des showrooms à l’architecture spectaculaire (60 espaces actuellement, 160 sont annoncés d’ici à fin 2017), mais rassemble aussi des œuvres exceptionnelles d’artistes, d’architectes ou de designers comme Buckminster Fuller, Xavier Veilhan, Marc Quinn, Fernando Botero ou Konstantin Grcic, ainsi que des lieux consacrés à l’art comme la de la Cruz Collection ou l’Institute of Contemporary Art. Ce dernier intégrant d’ailleurs fin 2017 un nouvel espace, œuvre des Espagnols Aranguren & Gallegos Arquitectos.
Un cercle vertueux donc. Résultat, la topographie de la ville connaît une constante mutation. Le quartier de Wynwood est sorti de l’abandon grâce à Tony Goldman, autre promoteur visionnaire, qui a redonné vie à des entrepôts désaffectés (des dizaines de galeries d’art y sont notamment installées) et a monté de toutes pièces une immense galerie de street art à ciel ouvert avec les stars de la discipline (Shepard Fairey, Retna, Maya Hayuk…) : une concentration unique au monde et un régal pour les photographes et les instagrameurs.
Corollaire attendu, le mouvement s’étale car, voyant d’un mauvais œil le coin se gentrifier et les prix des loyers flamber, des galeristes de Wynwood ont commencé à migrer vers le nord, en direction de Little Haiti. Certains ont investi le quartier du MiMo (pour Miami Modern Architecture). D’autres défrichent de nouveaux territoires du côté d’Allapattah, voire, plus loin, vers la ville d’Hialeah. Quelques-uns ont choisi Miami Ironside, un incubateur composé d’ateliers d’artistes, de studios d’architectes, de showrooms de design et d’espaces de coworking. Un lieu alternatif et coquet à la fois, calme et studieux la semaine, mais très animé le week-end quand les familles de North Miami Beach viennent se balader jusqu’ici, manger une pizza… ou faire une partie de pétanque !
C’est d’ailleurs encore un entrepreneur, Ofer Mizrahi, qui est à l’origine de Miami Ironside (et, bien avant cela, du lifting du centre-ville de Philadelphie). Lui aussi assiste à cette transformation urbaine avec enthousiasme : « Miami traverse une période d’énergie frénétique que d’autres grandes métropoles ont connue avant elle, il y a un siècle. Les nouvelles populations arrivent du monde entier avec toute leur jeunesse et leur fougue, ce qui favorise un esprit ouvert, hypercréatif. » De terre d’accueil, Miami devient donc vivier de créateurs. « Enfin ! se réjouit Philippe Brocart. Ce qui manque à Miami, c’est une industrie créative, un tissu local de créateurs, de designers, d’architectes… Cela commence à changer car il y a énormément de designers et d’architectes d’intérieur sud-américains (des Brésiliens, des Mexicains…) qui, pour des raisons économiques, s’y installent pour développer leur activité. Ils savent qu’ils ont ici une clientèle captive. La vie est agréable et moins chère qu’à New York. La fiscalité est plus intéressante. C’est encore un eldorado. »
L’architecte Allan Shulman souligne cette chance pour la ville : « Miami vit actuellement une étape passionnante de son développement urbain. C’est un laboratoire de questions contemporaines : la montée du niveau de la mer, la durabilité, l’évolution de l’habitat, l’urbanisation, la conservation des bâtiments historiques… » Une bulle de modernité, aussi, qui réclame plus que jamais notre attention.