Mathias Kiss : Détourner les codes de l’habitat
Dès 2005, sa maîtrise des ciels peints retient l’attention : légers, finement nuageux, sans les ombres dramatiques d’un Tiepolo mais aussi émouvants que les nuées d’un Fornasetti. Son travail est pourtant physique. En 2016, à Paris, c’est l’intégralité du sol de la Galerie Alain Gutharc qu’il dore de 17 000 feuilles. Les gens hésitaient à marcher sur l’or… qu’il veut justement désacraliser. Ses clients privés ne sont pas moins audacieux et d’autant plus partants pour une installation in situ. Zappant les catégories, Mathias Kiss se voit plutôt en artiste : « Artiste, c’est fourre-tout. Mais ça illustre mieux la liberté et l’absence de cahier des charges. »
Et quand il froisse le classicisme, c’est autant un manifeste-hommage qu’une façon de faire perdurer des savoir-faire anciens. Il parle d’ornementation brutaliste. Comme si l’impact d’une moulure dorée secouait les habitudes. « L’ornementation, ce n’est pas qu’une feuille d’acanthe. » Pour les salons du joaillier Boucheron, Mathias Kiss a créé, en 2015, Silver Clouds, une installation avec des ciels en 2D, des murs en miroir et des nuages pixellisés, réalisés en bois et dorés à la feuille d’argent. La moitié de chaque nuage se voit réfléchie sur le miroir qui la soutient de façon à former un tout, qui lévite dans un ciel reproduit à l’infini.
Dans une pièce d’appartement, en 2012, il conçoit Underwater, une installation avec un ciel en marqueterie de papier. Au plafond, un patchwork constitué de milliers de carrés de papier peint à la main dans un nuancier de 67 couleurs reflète une structure en bois laquée posée au mur. Dans cet ensemble où le pixel, là encore, tient le beau rôle, on y voit selon lui le ciel à travers l’eau. Les institutions culturelles suivent, le palais de Tokyo en tête où il a installé, en 2016, Double je, une corniche dorée qui serpente sur 120 mètres. Elle a été montée en trois semaines à raison de douze heures de labeur par jour.
Mathias Kiss l’imaginerait bien en version laiton aux Tuileries, telle une œuvre permanente. Une façon de rompre avec l’essence éphémère à laquelle il a jusqu’ici voué nombre de ses travaux ? Un pas de plus vers le statut d’artiste ?