Fabriquer sans penser à l’environnement ? Inconcevable ! La préoccupation écologique est aujourd’hui partout et le mobilier ne fait pas exception ! Matériaux recyclés et recyclables, production vertueuse, énergie renouvelable, fabrication raisonnée et locale, analyse du cycle de vie, réduction des polluants, valorisation des meubles usagés… les pistes sont nombreuses pour proposer à des consommateurs de plus en plus attentifs du mobilier éco-responsable. Loin d’un simple « coup » marketing, quelques marques de vertu prennent vraiment le parti de l’environnement. Qu’elles y soient venues progressivement ou qu’elles aient été fondées sur ce principe, chacune à sa manière nous incite à repenser notre rapport au mobilier.
Des meubles conçus pour durer
Fabricant de meubles depuis soixante ans, Gautier s’engage pour l’environnement. L’entreprise est l’un des 24 membres fondateurs d’Eco-mobilier, un éco-organisme à but non lucratif de collecte et de recyclage du mobilier usagé. Elle a obtenu en 2006 la norme ISO 14001 pour la protection de l’environnement, elle est certifiée PEFC depuis 2012 et une partie de ses meubles est estampillée « NF Environnement ». Enfin, toute sa production est basée en Vendée, dans ses trois usines. « La question de l’environnement est primordiale, assure David Soulard, son président. Nous menons une politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) depuis longtemps, que nous formalisons actuellement dans un livre blanc. Il est important d’avoir une action globale et ce dès la conception. Avec notre équipe chargée du design, nous concevons des meubles innovants, fabriqués pour durer et dont nous maîtrisons les composants et l’élaboration. Nous quittons la production de masse pour aller vers le “just in time” (système de gestion des stocks dans lequel les matériaux sont acquis quelques heures seulement avant d’être utilisés pour la fabrication, NDLR). Pour cela, nous misons sur la personnalisation et venons d’ailleurs de lancer un plan d’investissement de plusieurs millions d’euros pour créer un nouvel atelier qui nous le permettra. »
Alki, local et éco-responsable avant l’heure
D’autres ont aussi fait le choix du bois et du local, à l’exemple de Drugeot Manufacture (en Anjou bleu) ou de la jeune marque de vertu Slean et de son bureau malin (qui source en Normandie, Vendée, les Deux-Sèvres et les Vosges). Au Pays basque, Alki a opté pour un ancrage local couplé à une production raisonnée. « Depuis sa création en 1981 sous forme de coopérative, l’entreprise a toujours défendu l’emploi local, un projet à la fois social et culturel, rappelle Eñaut Jolimon, responsable de la production. Pourtant, l’aspect environnemental n’était pas prévu à l’origine, mais il est finalement au cœur de notre démarche puisque nous produisons tout localement, avec un réseau de partenaires situés à 80 % à moins de 100 km de notre atelier de fabrication. Le chêne, notre principale matière première, est labellisé PEFC ou FSC et fourni par un partenaire qui s’approvisionne en France, en Italie et en Belgique. » Un choix qui permet à Alki de limiter son impact environnemental : les carrelets de bois sont livrés dans une dimension la plus proche possible du produit fini, pour limiter les déchets et rebuts, lesquels sont valorisés dans le chauffage de l’atelier. Quant aux copeaux (non traités), ils sont récupérés par un agriculteur du voisinage.
Alki s’est aussi essayée au bioplastique, pour la coque de sa chaise Kuskoa Bi, du designer Iratzoki Lizaso. « Ce modèle était le premier du genre, explique Eñaut Jolimon. Cela correspondait à notre envie d’innover, de ne pas nous limiter à un matériau. Nos produits peuvent être destinés à un usage professionnel et doivent répondre à une utilisation fréquente, voire intensive. Mais produire un plastique résistant à partir de fibres végétales a nécessité de la recherche, pour trouver la bonne formulation, et des investissements lourds pour les moules. » Certains, comme Maximum, ont choisi les surplus industriels, d’autres, comme Planq, le textile, pour en faire une nouvelle matière première.
Vers une économie circulaire
Plutôt que des déchets de fabrication (appelés « matières post-production »), les dirigeants de Noma ont, eux, opté pour les matières recyclées post-consommation, c’est-à-dire récupérées après le tri sélectif. « Nous voulions être acteurs du changement, en proposant une démarche globale et complète d’éco-conception, de la production jusqu’à la fin de vie, expliquent Guillaume Galloy et Bruce Ribay, les fondateurs. Dans cette approche globale de la durabilité, l’un des axes est l’usage de matières issues du recyclage pour changer le regard que l’on porte sur elles et donner à comprendre que l’on peut faire du beau avec. »
Marque de vertu environnementale
L’éditeur s’approvisionne auprès de partenaires rigoureusement sélectionnés, ce qui garantit la traçabilité et lui permet d’indiquer en pourcentage la teneur exacte en matériaux recyclés de chaque produit. « C’est une volonté de transparence de notre part, pas un argument marketing, poursuivent-ils. Si la composition en matière recyclée varie, nous modifions le pourcentage indiqué. » Pour attester du sérieux de sa démarche, l’éditeur se fait accompagner par une agence d’éco-conception, Coopérative Mu. « Leur appui nous est précieux, avouent-ils. Ils nous forment, nous apportent des solutions d’éco-conception sur l’ensemble du cycle de vie de nos produits : matériaux, emballages, distribution, usages, fin de vie… » À l’heure où l’on parle de bilan carbone, et donc de l’impact du transport, peut-on fabriquer à l’autre bout de la planète et se revendiquer marque de vertu environnementale ?
Tikamoon veut répondre par l’affirmative et le démontrer. Depuis 2007, le pure player (qui exerce son activité exclusivement sur Internet) français propose du mobilier en bois massif livré monté, fabriqué en Indonésie, en Inde, dans les pays de l’Est en Europe et peut-être bientôt en France. « Nous défendons avant tout l’idée de l’objet qui dure et qui se transmet, annonce Arnaud Vanpoperinghe, son président. Nos meubles en bois massif sont fabriqués dans ces pays selon l’essence utilisée, comme le teck, le manguier ou le chêne, de manière traditionnelle et par des partenaires rigoureusement sélectionnés. Bien sûr, la question du transport interroge. C’est pourquoi nous travaillons avec le cabinet spécialisé Carbone 4 sur notre bilan carbone et l’analyse du cycle de vie de nos produits. Ce qui est déjà établi, c’est qu’il n’est pas plus polluant d’importer par bateau du mobilier depuis l’Indonésie que de le transporter par camions des pays de l’Est. Nous faisons également le choix de ne couper que des arbres matures, qui ont capté autant de CO2 qu’ils le pouvaient. »
Entreprise responsable
Pour démontrer son engagement environnemental, Tikamoon va plus loin avec son programme de développement durable baptisé « TikaGreen ». À l’horizon 2023, la marque de vertu entend tenir plusieurs engagements, comme proposer 95 % de meubles en bois massif, contre 80 % à ce jour. Si seulement 20 % du bois qu’elle utilise est labellisé FSC aujourd’hui, Tikamoon entend parvenir à 50 %. La garantie actuelle de cinq ans sera portée à dix ans. Enfin, elle entend réduire encore son empreinte carbone. Pour aider le consommateur à choisir en conscience, la marque de vertu a mis en place une « éco-note », avec un classement de une à quatre feuilles, qui permet au consommateur de situer chaque meuble selon six critères : usage de bois massif, labellisé FSC et assemblé traditionnellement, absence de matières composites, économie de la ressource et « réparabilité ».
Ces entreprises fourmillent d’idées pour faire évoluer les choses. « Nous voulons inciter nos clients, s’ils ne gardent pas leurs meubles, à leur offrir une seconde vie. Nous réfléchissons aussi à un système de location de mobilier, dans une approche d’économie d’usage plutôt que de propriété, poursuit Arnaud Vanpoperinghe. Nous envisageons de devenir une société à mission, dans le cadre de la loi Pacte *, ou de rejoindre le mouvement B Corp (pour Benefit Corporation, NDLR), comme l’a fait la marque de vêtements spécialisés Patagonia, qui est pour nous un exemple d’entreprise solidaire. »
Les marqueurs d’une évolution
Cette certification, créée par l’ONG B Lab, accordée à des entreprises engagées notamment d’un point de vue sociétal et environnemental, intéresse aussi Noma. « Il est important de s’engager dans une démarche à la fois transparente et exigeante, clament les dirigeants. Les choses évoluent, mais il reste de nombreux points en suspens, comme l’affichage environnemental (qui permet au consommateur de connaître l’impact environnemental d’un produit avant son achat, NDLR), sur lequel nous travaillons. Il serait bon que les grandes entreprises s’emparent à leur tour de ces questions, pour que le secteur du mobilier soit porteur de nouvelles valeurs. » Rendre compatibles développement économique et sobriété, voilà une réflexion qui résume bien le défi à relever pour notre siècle.
* La loi Pacte introduit la qualité de société à mission permettant à une entreprise de déclarer sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.