Consuelo Castiglioni dessinait un vestiaire pour initiés dont le succès est allé crescendo. La fondatrice de la maison italienne, qu’elle a lancée en 1994, a néanmoins laissé son poste le 21 octobre dernier à Francesco Risso, un ancien de Prada. C’est à lui que revient la difficile tâche de faire fructifier un esprit maison déjà bien trempé. La Marni’s touch ? Pas simple à résumer, bien que reconnaissable entre mille. Plus qu’un style, une allure anticonformiste et arty. Ni éternel féminin bourgeois (une courte ligne homme et enfant existe d’ailleurs en parallèle depuis 2002), ni avant-garde cérébrale, mais une mode sensible et singulière qui occupe une place à part dans le cœur de ses client(e)s fidèles.
Comme fil conducteur, une humeur vintage indéfinie – donc forcément intemporelle – abordée avec un zeste de joyeuse nostalgie qui décomplexe l’élégance. Audace et dynamisme dans le choix des tissus – entre classicisme made in Italy et matières techniques que l’on verrait plutôt chez Nike – s’associent à un nomadisme chromatique, à la fois géographique et temporel, qui joue en permanence sur la frontière ténue entre le grinçant et le charmant. Et qui se prolonge le plus spontanément du monde dans les séries limitées de petits meubles en fil plastique colorés qui sont présentées chaque année, depuis 2012, pendant le off de Milan.
Une aventure en terre design née sur un coup de cœur, à l’issue d’un voyage en Amérique latine… Cent chaises aux teintes vitaminées, mais subtilement blanchies comme sous l’effet d’une surexposition au soleil, ont été fabriquées en Colombie par d’anciens prisonniers en phase de réinsertion et ont pris place dans la cour adjacente de la boutique milanaise pendant la semaine du salone. De simples structures en métal habillées graphiquement de fils en PVC, comme autant de réinterprétations de l’archétypal fauteuil Acapulco. Un écho stylistique au rétromodernisme récurrent des collections mode de Marni qui sonnait comme une évidence.
Dès la première année, les fonds récoltés lors de la vente des chaises ont été reversés à une association caritative, ce qui n’a pas empêché le projet d’être le seul parmi tous ceux émanant de marques de mode à être sélectionné dans la catégorie design des très respectés « Designs of the Year 2013 Awards » du Design Museum de Londres. Il est vrai que, pour les Castiglioni – qui, jusqu’au départ de Consuelo, travaillaient en famille* –, l’art de vivre était tout autant une éthique qu’une esthétique.