Pour Mallory Gabsi, Arnaud Behzadi fait dialoguer gastronomie et design

Quand il s'agit d'illustrer un restaurant, Arnaud Behzadi passe à table. Mallory Gabsi, lui, pense ses assiettes comme un designer. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer.

Une idée folle. Une rencontre improvisée. Une poignée de main. Pas de brief de départ. Telle est la genèse de ce projet qui a réuni Mallory Gabsi, chouchou de la saison 11 de Top Chef, et l’architecte Arnaud Behzadi.

C’est du côté du métro Argentine que le premier restaurant de Mallory Gabsi a ouvert ses portes.
C’est du côté du métro Argentine que le premier restaurant de Mallory Gabsi a ouvert ses portes. Matthieu Salvaing

A l’instinct

Tout commence pendant le second confinement, alors qu’Arnaud Behzadi rejoint son ami, l’hôtelier Yannick Gavelle, sur les marches d’une église du quartier d’Argentine. « J’ai une idée » lui lance-t-il avec excitation. Il vient de contacter Mallory Gabsi, « Malou » comme le surnomme Hélène Darroze dans l’émission, et lui a proposé d’ouvrir son restaurant. Le jeune chef habite en Belgique mais le projet doit se faire à Paris. « Arnaud, c’est pour toi ! »

Arnaud Behzadi hésite. Depuis 2019, il vogue en solo et en son nom. Il conduit déjà plusieurs dizaines de chantiers et veut s’éloigner de la typologie du restaurant, un exercice qu’il ne connait que trop bien. Yannick Gavelle le pousse. L’architecte cède alors qu’il lui promet une carte blanche — sous couvert d’un chef aux instincts déjà bien affirmés.

Sa première rencontre avec Mallory sera décisive« Il était comme un gamin dans ma matériauthèque, à toucher chaque bout de roche ou de tissu. Il allait spontanément vers le brut, presque trash ». L’évidence est là : l’architecte dessinera un restaurant à l’image de la cuisine de son chef, sans même un brief de départ. La matière, les textures, les sensations en seront le point d’orgue.

Les jeux de matière chers à Arnaud Behzadi transparaissent déjà sur la façade
Les jeux de matière chers à Arnaud Behzadi transparaissent déjà sur la façade Matthieu Salvaing

Sérendipité et authenticité par Arnaud Behzadi

C’est bien la cuisine de Mallory Gabsi qui dirige son chef d’orchestre. Pour poser les bases du projet, Arnaud Behzadi a demandé au chef de lui faire goûter ses plats, qu’il a ensuite traduit en concept de décoration. Il déguste une viande en pâte brisée qui lui donne l’idée de ses lustres composés d’un tube de laiton recouvert de travertin. Vient le tour d’une assiette coiffée d’une tuile : sa transparence et ses aspérités donneront naissance aux appliques translucides qui habillent les murs.

Les appliques inspirées du bœuf en pâte de Mallory Gabsi ensoleillent l’alcôve et les tables du restaurant.
Les appliques inspirées du bœuf en pâte de Mallory Gabsi ensoleillent l’alcôve et les tables du restaurant. Matthieu Salvaing

« Nous avons malheureusement écarté l’envie première de Mallory, l’usage du turquoise », confesse Arnaud Behzadi. Les toilettes répareront cet impair, parés d’une poudre de bronze oxydée, fruit d’un test de l’architecte qui souhaitait utiliser un phénomène naturel plutôt qu’une peinture pour incarner le besoin de couleur de son client. La couleur, justement, est l’emblème du jeune chef de 25 ans. Elle a néanmoins cédé sa place à partition plus organique, presque terreuse, sous l’impulsion d’Arnaud Behzadi : « J’ai lu dans la cuisine de Mallory un grand attachement à la terre, c’est ainsi que j’ai eu l’idée d’utiliser ces nuances pour faire vivre le restaurant. »

On jurerait se trouver dans un écrin façonné de matières les plus rares. Mais Arnaud Behzadi rappelle : « dès notre première rencontre, j’ai senti chez Malou comme un rejet du précieux. Dans ma matériauthèque, il s’émerveillait de roches rugueuses, il n’a même pas jeté un œil aux marbres les plus remarquables. » Le restaurant s’est donc logiquement retrouvé fardé de matériaux intrinsèquement plus simples, traités avec astuce. Le travertin qui compose les tables est laqué et ses aspérités comblées d’une résine sombre qui imite les irrégularités de teinte du marbre. Le bois dont se parent les murs est une essence de platane, elle aussi laquée, « autre exemple de sérendipité : on a mouillé une plaque de platane et le résultat nous a plu. On a donc décidé de répliquer l’idée avec une technique pérenne. »

A table chez Mallory Gabsi

A l’image de l’écrin dans lequel il évoluera dorénavant, loin de sa Belgique natale, la cuisine de Mallory Gabsi est aussi juste qu’elle est lisible. Assiettes dressées au scalpel et savoureuses, cuissons maîtrisées… La matière, ici le produit brut, tient la vedette.

Pour accompagner le cérémonial de la dégustation (menu en 4 ou 6 temps le soir, 4 temps ou formule au déjeuner), le service est assuré dans des assiettes Bernardaud, des pièces en céramique créés sur mesure par Léa Soumali et des couverts Christofle. Un savant mélange d’intemporalité et de créations contemporaines, à l’image d’un restaurant qui porte le nom de son chef, comme pour signifier qu’il est là pour perdurer.

> Mallory Gabsi. 28 Rue des Acacias, 75017 Paris. Réservations.