Un village thermal désuet au pied du massif de Belledonne (Isère), a priori, cela ne vous dit pas grand-chose. Mais un cuisinier doublement étoilé qui prend des risques et aligne dans une même phrase « conception bioclimatique », « écosystème vertueux », « sens du collectif », « dépassement de soi » et « importance des thérapies alternatives », immédiatement, cela interpelle ! « Aujourd’hui, ma démarche porte sur la recherche d’une évidence, quelque chose qui donne du sens à mon travail et à celui des autres. Avec le sport et la méditation pour l’équilibre », résume Christophe Aribert, en regardant à l’horizon les montagnes du Vercors qui l’ont vu grandir.
Grands-parents maraîchers, parents restaurateurs, cursus hôtelier à Grenoble, la flamme des fourneaux l’envoie faire ses armes à Condrieu (Rhône), à Uriage-les-Bains, en Isère (déjà !), et à Paris, en haut du panier (la Tour d’Argent, Les Ambassadeurs au Crillon, période Christian Constant). Mais la relation à la nature est une obsession chez ce sportif. Un tournant décisif s’opère quand il choisit de revenir à Uriage seconder Philippe Bouissou, à la tête des Terrasses du Grand Hôtel. S’ensuivent vingt ans de labeur assidu, avec deux étoiles Michelin (qu’il reprendra brillamment à son compte une fois Bouissou parti), deux grandes filles et deux beaux livres de cuisine à son actif.
Et puis, un jour pointe une envie d’engagement plus fort, de prendre part aux changements de société, d’aller de l’avant. Cela tombe bien, l’ensemble thermal Second Empire compte un chalet à l’abandon, juste derrière son restaurant. La bâtisse de 1871 offre de beaux restes, mais surtout l’espace pour abriter un nouveau rêve et planter un potager en permaculture. Malgré des dimensions contraintes en zone classée, le projet de Joëlle Personnaz, jeune architecte de la région, séduit par son audace et sa pertinence environnementale, en phase avec les valeurs d’un cuisinier qui respecte la Terre. La conception bioclimatique, la végétalisation de la toiture, l’absence de climatisation, l’emploi de matériaux existants et de peinture sans solvants, cette maison passive fait sens avec l’ancrage régional et l’aventure humaine qui se profile.
Il faudra quatre ans pour monter ce dossier à haute valeur écologique, taper aux portes des financiers, mobiliser les partenaires, les admirations réciproques, les artisans, athlètes, artistes, parents et amis fidèles. Le pavillon contemporain abrite désormais un restaurant gastronomique (2 étoiles) et son salon. Thierry Martenon, l’ami établi en Chartreuse (Savoie), en a conçu le bardage en châtaignier. Dans les platanes malades, cet artiste du bois a fait naître un cratère et des totems, une transition de réemploi entre deux bâtiments, entre passé et présent, à l’image d’une volonté qui s’impose désormais : l’objectif zéro déchet plastique à atteindre au plus vite, compostage oblige.
En cuisine, une grande table en chêne accueille jusqu’à quinze convives. Idéal pour voir à l’œuvre cette brigade que le chef emmène volontiers se dépenser en forêt été comme hiver. Dans une concentration maximum, chaque geste, chaque ingrédient semble couler de source et tendre vers le besoin d’épure du chef : « Le lieu tout entier prolonge ma cuisine, ce que je suis profondément. »
Bien dans son monde
La maison historique restructurée de fond en comble, elle, a trouvé une nouvelle hospitalité. L’autre table, Le Café A, sert à toute heure une cuisine de saison qui valorise encore et toujours les producteurs locaux. Petit déjeuner healthy, équipe du tonnerre, terrasse aux beaux jours, brunch le dimanche, l’adresse n’a besoin d’aucune publicité pour faire le plein. L’escalier et les couloirs qui mènent aux chambres s’animent au gré des coups de cœur du chef et de sa compagne, Laetitia Debeausse. C’est elle qui, en coulisse, a veillé à la sérénité des chambres.
Inondées de lumière, donnant sur le parc et au top du confort – literie Hästens, matières naturelles, couleurs, produits de toilette Ma Thérapie, sèche-cheveux Dyson –, elles ont été pensées comme des cocons, multipliant les jolies attentions, les ouvrages d’herboristerie, les détails chinés avec amour. Pas de télévision, pas de piscine non plus, mais une salle accueillant événements, programme thérapeutique et yoga. Car ce lieu singulier envisage un bien-être à l’écoute du corps, en conscience avec le monde qui l’entoure. Louisiane Vaudet, l’étiopathe diplômée qui s’occupe de soigner le mal à la racine, reçoit ici sur rendez-vous. Éva Manceau dispense des cours de yoga et des massages ayurvédiques. Une cuisine spontanée, sincère, une maison vivante et des alternatives qui font un bien fou !
> Maison Aribert. 280, allée du Jeune- Bayard, 38410 Saint-Martin-d’Uriage. Tél. : 04 58 17 48 30. Maisonaribert.com