Comment êtes-vous arrivé dans le monde du luminaire ?
Federico Palazzari : J’y suis arrivé par passion et sans gros moyens, sans famille derrière moi dans ce domaine. Je ne suis pas architecte, je suis avocat de formation. Quand j’étais jeune, je travaillais pour de grands éditeurs de design mais je rêvais d’être de l’autre côté de la table. Ernesto Gismondi, le fondateur d’Artemide, me disait : « Arrête de regarder les catalogues, regarde les contrats ! » C’était il y a vingt ans. J’ai dû faire mon trou, m’imposer à Milan en tant que Romain. J’ai eu de la chance, j’ai beaucoup travaillé et je suis aussi arrivé à un moment favorable dans le monde du design.
Comment avez-vous traversé la crise sanitaire, vous qui êtes basé à Milan ?
Dès le départ, cette crise m’a plongé dans un état d’esprit contrasté : d’un côté, j’étais soucieux des conséquences sanitaires et économiques pour le monde, mais de l’autre, je me sentais aussi relaxé, parce qu’on avait plus de temps pour organiser les choses, moins de pression. Le secteur de l’éclairage est plutôt petit, cela crée plus de solidarité. On se sent proche de ses collègues, de ses fournisseurs, de ses clients. Je n’ai jamais autant parlé avec notre réseau que pendant le confinement. Je pense que la crise va avoir un impact beaucoup moins important dans le design que dans la mode par exemple. Les moments de ralentissement sont normaux dans la vie des sociétés. On est trop habitué à la croissance automatique. Je considère que le métier d’entrepreneur, c’est aussi être préparé psychologiquement à faire un chiffre d’affaires zéro certaines années. Cela fait partie du jeu, comme un examen…
« Le Covid a favorisé un égoïsme de qualité »
Quelles sont, selon vous, les conséquences de cette crise sur l’industrie du design ?
A force de rester à la maison, les gens ont envie de tout changer chez eux, de se concentrer sur leurs besoin quotidiens, primaires… Beaucoup de personnes ont redécouvert leur intérieur et c’est très positif. Changer l’éclairage, c’est un acte que l’on fait pour soi, pas pour le regard des autres. C’est un égoïsme de qualité, qui ressurgit sur tous les membres du foyer. Il faut oublier le traumatisme. Et puis je suis hyper fatigué des présentations online, de la vidéo-conférence… Surtout pour la lumière ! C’est pourquoi on a décidé de ne présenter aucun de nos nouveaux produits sur Internet. Je préfère envoyer un produit dans chaque showroom. On a la chance d’être présents dans tous les pays, on va trouver d’autres moyens…
Comment avez-vous décidé de créer Nemo Studio ?
Au mois de janvier, nous avons racheté la société italienne Ilti Luce, qui est spécialisée dans les typologiques d’éclairage techniques et architecturales, indoor comme outdoor. Elle collabore notamment beaucoup avec les musées et de boutiques. Basée à Turin, elle appartenait autrefois à Philips/Signify et je la connaissais depuis une vingtaine d’années. La crise sanitaire nous a permis d’intégrer sereinement cette nouvelle société, qui forme désormais la partie architecturale de Nemo. On est en train de travailler sur des projets très intéressants, notamment en France avec le Louvre. Elle conserve son existence propre, avec un catalogue spécial baptisé Nemo Studio, mais fait partie intégrante de la société.
« Pour Nemo Studio, on voulait de la nouveauté »
Avez-vous fait travailler sur ce nouveau catalogue des designers qui collaborent avec Nemo ?
Non, j’ai préféré en faire travailler d’autres ! Un Français, un Italien habitant à Anvers… On voulait de la nouveauté…
Comment allez-vous introduire l’ADN de Nemo dans cette nouvelle structure ?
On va mettre un peu de twist de Nemo, bien sûr. Beaucoup de photos du nouveau catalogue ont été prises en France, avec un photographe français, notamment dans l’incroyable Musée départemental de préhistoire de Nemours, très brutaliste. On a profité du Covid pour faire les shootings dans les bâtiments vides.
La France est-elle un marché important pour Nemo ?
C’est un marché important mais pas le premier. Nous travaillons principalement avec l’Italie et les Etats-Unis, mais ces derniers sont dans un moment très compliqué. Il n’y a aucune visibilité…
On assiste récemment à une concentration dans le monde du design. Cela vous inquiète-t-il ?
Pas du tout. Ces super groupes, qui sont gérés par des fonds d’investissement, n’empêchent pas l’émergence de petits éditeurs, en France comme en Italie. Un client peut choisir entre Flos, Nemo ou Petite Friture, des entreprises très différentes mais qui produisent toutes des produits de qualité.
Quel regard portez-vous sur le luminaire italien ?
Beaucoup de vieilles sociétés (Fontana, Oluce…) ont quasiment disparu. Seules demeurent Flos et Artemide. Cela est souvent dû à des problèmes de personnes. C’est pourquoi mon objectif est de placer chez Nemo des gens qui vont permettre à la société de continuer à exister quelles que soient les circonstances. Je n’ai pas hérité d’une boîte familiale, cela m’a forcé à être créatif. Je ne crois pas aux directeurs artistiques, qui sont souvent séparés de la partie opérationnelle et des chiffres. L’aspect industriel, c’est le base chez Nemo.