« Il y a un peu de mon cœur dans cet hôtel », annonce d’emblée Terence Conran, tranquillement installé dans la suite qu’il vient de réaménager pour le compte de l’hôtel Andaz London et (Red). Fondée en 2006 par Bono et Bobby Shriver, cette association de lutte contre le SIDA a fait appel au fondateur d’Habitat pour imaginer sa nouvelle collaboration avec la firme hôtelière du groupe Hyatt : une chambre de 85 m2 dont les bénéfices seront reversés à l’ONG. Le choix du designer de cette « chambre à part » est apparu comme une évidence, l’Anglais de 86 ans n’étant autre que l’ancien propriétaire des lieux.
Lorsqu’il rachète le bâtiment de Liverpool Street au milieu des années 1990, l’hôtel qui est implanté là est bien loin de l’établissement cinq-étoiles d’aujourd’hui. « Quand je suis arrivé la première fois, on m’a demandé combien d’heure je désirais… », raconte malicieusement Terence Conran, toujours empli d’affection pour son « premier grand projet hôtelier », qu’il a finalement cédé au groupe Andaz en 2006. « C’est un honneur pour moi de participer de nouveau aux rénovations », ajoute-t-il modestement, au milieu des grands classiques du design qui incarnent « la façon dont il aime vivre, c’est à dire entouré de pièces fonctionnelles ».
Les fauteuils Karuselli d’Yrjö Kukkapuro et ceux du couple Eames, ses préférés, donnent immédiatement le ton de la suite, où il a souhaité « allier le design contemporain à une ambiance chaleureuse », notamment grâce aux couleurs prononcées d’une tête de lit en velours ou d’un canapé magenta, qui répondent au bleu Klein des stores et d’une alcôve illuminée par une lampe Snoopy. Cet autre classique de l’histoire du design répond à la table Tulip de Saarinen et son plateau en marbre, une des ses matières fétiches, comme l’illustre la salle de bains, rehaussée par une aquarelle et le noir d’une robinetterie Dornbracht.
Des chevets de la chambre à la coiffeuse qui précède la salle de bains, le sur-mesure apporte toute sa singularité à la chambre, et ce jusqu’à la table du séjour, réplique exacte de celle dessinée par Terence Conran pour son propre salon. De quoi façonner un cadre unique, encore accentué par les portraits de John Rankin, un collage photographique qui accueille les arrivants et les 50 tirages du Japonais Nobuyuki Taguchi, issus d’une série de 5 000 prises de vue que l’artiste, installé à Londres, a effectué à 500 mètres à la ronde autour de l’hôtel, avant que le designer ne les choisisse une à une.
« Grâce à des oeuvres d’art soigneusement sélectionnées et réalisées par des artistes locaux, nous avons reproduit dans la suite l’atmosphère vibrante et créative de l’East London », précise Terence Conran qui vient également de signer la rénovation des 267 chambres de l’hôtel. Là encore, l’ancrage dans le quartier s’exprime par l’art, avec les dessins de Sophie Mo, passés des rues de Londres au cuir des têtes de lit ou au béton des mini-bars. Ses motifs débridés s’accordent à la sobriété des rayures de la moquette, inspirée par les costumes des golden boys de la City. Un savoureux contraste à la mesure des parties communes, où architectures victorienne et contemporaine se renvoient constamment la balle.
Edifié en 1884 par Augustus Pugin et Charles Barry, également auteurs du Palais de Westminter, le bâtiment affiche encore de nombreux témoignages de son histoire. Le meilleur exemple est Lady Abercorn’s, le pub du rez-de-chaussée classé aux monuments historiques qui brasse encore sa propre bière. Une plongée dans l’Angleterre du XIXe siècle parmi les sept restaurants et bars que compte l’hôtel, tous accessibles depuis un atrium de 30 mètres de hauteur sous plafond tout juste réaménagé par le cabinet d’architecture Conran & Partners. Une lumineuse surprise au cœur du bâtiment, presque aussi étonnante que le temple maçonnique désormais dévolu aux mariages et aux cours de yoga.
Andaz London Liverpool Street, 40 Liverpool Street, Londres, Royaume-Uni.
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