Pas facile de cataloguer Lola James Harper, mais essayons. Lancé en 2013, cet univers singulier séduit l’œil, réjouit l’oreille, embaume la maison et, a fortiori, notre sillage. Il doit tout à la personnalité et aux multiples talents artistiques de son créateur. Né au Liban, Rami Mekdachi nous confie : « Je suis arrivé à Paris à 5 ans, lorsque mon père, ingénieur chez IBM, a été muté par l’entreprise, qui s’inquiétait des tensions dans notre pays. Ma famille est restée. » À 12 ans, le petit Parisien se passionne pour la guitare, à 16 ans, pour la vidéo, avec pour référence le film Paris, Texas, de Wim Wenders. À 20 ans, lors d’un long séjour pluvieux en Angleterre, Rami s’initie aux percussions. Par la suite, le musicien, excellent élève de HEC-Lyon, monte un festival de musique dans son école, tâte du métier de comédien lors de séminaires d’entreprises, organise des concerts underground pour le légendaire concept-store Colette. Mais ce n’est pas tout…
En 1997, Rami Mekdachi devient le directeur artistique du Club des créateurs de beauté chez L’Oréal : « Une époque bénie durant laquelle je travaillais avec des gens ouverts. Chargé du développement des parfums, je collaborais avec les nez qui les mettaient au point et créaient une histoire autour. Ces mélanges d’éléments m’ont fasciné. Comme la musique, le parfum est lié aux rituels et aux souvenirs. De même qu’en musique on reconnaît rarement tous les instruments, en parfumerie il est impossible de deviner tous les ingrédients. Il arrive même que le cerveau en invente ! » Ses années chez L’Oréal lui apprennent donc les arcanes de la parfumerie.
En 2000, à 29 ans, il se paie le luxe de refuser un poste enviable chez LVMH après l’avoir testé trois mois. « Reportings, statistiques, études de marché… Ce n’était pas pour moi ! À la place, j’ai opté pour la direction artistique olfactive de marques qui ont un fan-club, telles que l’hôtel Costes, dont j’ai créé l’odeur – celle que vous sentez encore aujourd’hui – ainsi que 27 produits de bain pour ses clients. Pour Colette, j’ai imaginé L’Air de Colette, que j’ai fait évoluer au fil du temps. Ensuite sont venus le parfum d’atmosphère du palace La Réserve, à Genève, et ceux des boutiques Chloé et Ines de la Fressange. Je ne suis pas parfumeur, mais je sais ce que je veux et je m’adresse à différents styles de nez pour la réalisation. »
En 2012, Rami Mekdachi a une révélation : « J’ai réalisé que j’avais accumulé images, chansons, odeurs de vrais lieux. J’ai rassemblé tout cela dans un projet philosophique, en offrant de quoi rêver sur un territoire d’images. » Il va enfin mettre à profit son don rare de collectionneur d’instants.
C’est ainsi qu’il a pu sortir de son chapeau les odeurs récoltées depuis des années au cours de ses voyages. Émanations de vinyles, de garages, de postes de télévision, senteurs de maisons d’amis, de billards ou de vieux parquets sont aussitôt mises en formules avec la complicité de son copain, le nez Benoist Lapouza. « Tous mes projets sont le fruit de rencontres. Chaque étape de la vie a son importance. De nos discussions naissent aussi des aventures comme avec Courtenay Brandt, devenue mon bras droit chargé de l’international. Courtenay gérait auparavant les tournées des Red Hot Chili Peppers », raconte Rami.
Pour commencer, il pioche dans sa banque olfactive 18 eaux de toilette et parfums de maison, assortis de leurs 18 bougies. Lola James Harper vient de naître ! « J’aurais pu en sortir quarante, puisque j’ai des tonnes de listes d’ingrédients en réserve. J’ai seulement dû inventer le design du packaging. » Enthousiaste, la célèbre Colette en personne s’est chargée de diffuser la collection dont les produits s’appellent Play Again Now ou Just Say Yes. Chacun accompagné d’un album enregistré par Rami. « Lola James Harper (un nom inventé par mes enfants) s’inspire des années 20, de films, de musiques et de photographies. Car je n’ai jamais cessé de faire des photos, de donner des concerts, de réaliser des enregistrements d’amis musiciens ou de chanteuses. Aujourd’hui, les gens réclament du sens et notre marque semble leur en fournir », complète l’entrepreneur.
Grand voyageur, Rami Mekdachi se déplace le nez au vent avec femme et enfants, sans oublier son Fujifilm X100 chéri. Volontairement dépourvues de titre, ses images sont prises partout dans le monde et font à la fois l’objet d’un portfolio et de tirages argentiques vendus chez Lola James Harper. De plus, Rami signe ses « pensées poétiques », écrites au feutre noir puis encadrées. Il en est le premier étonné, mais les clients se jettent dessus ! Et en sa présence, dans l’espace consacré par Le Bon Marché en ce moment à sa marque, des fans réclament fiévreusement une dédicace !
Dans ce pop-up store, il présente son lobby d’hôtel rêvé… déjà « casté » par le groupe Accor. À la recherche de nouvelles formules hôtelières décalées et transgressives, comme celles du Mama Shelter, Accor annonce carrément l’ouverture prochaine d’un hôtel Lola James Harper ! « Le président d’Accor, Sébastien Bazin, a créé un département lifestyle pour ajouter une dimension culturelle aux hôtels. Notre concept se base sur l’éloge de la lenteur. Les guests écouteront des disques vinyle, auront accès à un studio d’enregistrement au sous-sol et à un terrain de basket – ma passion, qui a donné lieu à l’élaboration d’un ballon en collaboration avec la Venice Basketball League. Quant au parfum d’ambiance, il sera renouvelé toutes les demi-heures. »
Peut-être même un zeste de Venice Beach (son nouveau parfum) sur fond très net de cannabis. Mystère… Quoi qu’il en soit, Lola James Harper fait du chemin, déjà distribuée dans 100 boutiques, dont Joyce à Hongkong, Selfridges à Londres et Opening Ceremony à New York. Mais ce n’est pas tout. Rami Mekdachi réalise actuellement son premier long métrage. « Mon film With et sa B.O. de 23 chansons, seront diffusés dans notre “living-room” durant certaines design week. On y réunit notre univers et celui de notre partenaire Kann (éditeur de mobilier fifties bien connu dans nos pages, NDLR). » Rami Mekdachi a finalement composé un collectif où se télescopent amitiés et centres d’intérêt, sur une base harmonique qui nous fait l’effet d’un long riff de guitare !