Lin français et créativité : quand l’art s’invite à la maison

Le lin français n’a jamais été aussi créatif. Avec Garro Éditions, Héloïse Garro transforme ce textile classique en support d’art contemporain, mêlant designers, illustrateurs et fondations, du croquis au tissu d’ameublement. Une édition textile audacieuse qui fait entrer la modernité dans nos intérieurs.

La toute jeune maison Garro Éditions créée par Héloïse Garro collabore avec des dessinateurs, des designers et des fondations à travers des tissus d’ameublement en lin. Et apporte à ce textile, récolté et tissé en France, un esprit résolument moderne.


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Garro Éditions : le lin français au service de l’art contemporain

On pourrait écouter Héloïse Garro parler pendant des heures. Enthousiaste, elle répond à trois questions en une, ne suit pas de déroulé chronologique pour conter son aventure, reprend au milieu et bascule au début, tergiverse avec des dizaines d’anecdotes qui en disent long sur elle. D’emblée, elle prévient : « Je ne suis pas du tout artiste, en revanche, Garro Éditions est presque un prétexte pour en rencontrer. »

Héloise Garro, fondatrice de Garro Éditions.
Héloise Garro, fondatrice de Garro Éditions. Adam Firman

Un attrait qu’elle suppose avoir hérité de sa grand-mère qui vivait en Bourgogne et l’emmenait partout avec elle, au musée comme chez les potiers des alentours. Avec Garro, sa maison d’édition textile en lin tissé en France, la jeune femme de 37 ans édite des dessins d’artistes et de designers vivants ou disparus tels Amer Musa, Claud Christian, Henry Moore, Marcus Oakley, Pauline Deltour ou Sybille Berger. Des créations qu’elle a regroupées dans sa « Collection #1 ».

Chaque réalisation est née d’une rencontre, d’une envie, d’un désir instinctif. Que ce soit avec une fondation, comme c’est le cas pour Henry Moore, qu’elle a contactée lors de ses premières recherches à Londres sur le textile et qui l’a invitée à venir passer trois jours dans ses archives, ou avec un illustrateur rodé comme Marcus Oakley, personne ne travaille de la même manière.

De l’atelier au tissu : la production française comme signature

La seule constante ? « Les créatifs n’ont pas de brief de notre part, ils savent juste que l’on va faire un tissu », raconte celle qui n’édite que des inédits – à part pour Henry Moore. Pour ce sculpteur britannique (1898-1986), dont la production d’illustrations est étonnamment peu connue, six dessins, effectués entre 1931 et 1973, ont été retenus en accord avec sa fondation. « Il a suffi que je parle de mon amour des chevaux pour que le conservateur me sorte une pièce avec cet animal ! », se souvient Héloïse Garro.

Dans le showroom de l’éditeur de meubles danois Gubi. Derrière le fauteuil Poltrona Tria, de Carlo de Carli, le dessin Haringey Circus Horses, réalisé en 1956 par Henry Moore, imprimé sur lin par Garro Éditions, habille le lampadaire 9602, de Paavo Tynell.
Dans le showroom de l’éditeur de meubles danois Gubi. Derrière le fauteuil Poltrona Tria, de Carlo de Carli, le dessin Haringey Circus Horses, réalisé en 1956 par Henry Moore, imprimé sur lin par Garro Éditions, habille le lampadaire 9602, de Paavo Tynell.

Le reste est bien plus abstrait, en accord avec sa pratique principale. Seated Figures Studies est, lui, un dessin original au pinceau et à l’encre réalisé en 1931 de silhouettes rouge vif assises. Six Reclining Figures With Buff Background, tiré d’une lithographie de 1963, interpelle immédiatement : l’art s’est fait tissu.

Dans un autre style, les dessins d’Amer Musa sont très structurés. Cet artiste soudanais parle d’un exutoire pour son anxiété. « Je l’ai découvert dans une galerie à Paris, il m’a montré d’autres réalisations et nous avons naturellement collaboré. L’année dernière, il a dessiné un plaid pour Hermès. Il a commencé la peinture, et j’étais fière de me dire que Garro Éditions ferait toujours partie de son parcours », raconte l’éditrice.

Design et patrimoine : le lin revisité pour lampadaires et ameublement

Le tissu, en particulier le lin, l’intéresse comme réceptacle à la créativité, mais aussi, plus concrètement, pour son système de production. Ici, en France, elle connaît ses agriculteurs (en Normandie), son fileur (dans les Hauts-de-France), son tisseur et son imprimeur (dans le Grand Est) : c’est une chance – qu’elle mesure – que d’être en contact direct et de pouvoir faire produire rapidement ce lin épais qui fonctionne parfaitement pour l’ameublement.

« Mais on s’appelle Garro Éditions, un nom très large, parce qu’on ne s’interdit pas, dans le futur, d’éditer des livres, pourquoi pas, ou même des meubles ! », s’amuse-t-elle. Elle voit d’ailleurs dans le textile un matériau qui peut recouvrir ces derniers avec une infinité de possibilités.

La preuve ? En avril 2024, alors qu’elle présente sa collection pendant le Salon du meuble de Milan, au troisième étage d’une galerie pointue du nord de la ville, elle voit débarquer Caroline Ost, directrice du design chez Gubi, une grande maison d’édition danoise. Deux semaines après, un mail vient confirmer son espoir : Gubi travaillera avec Garro Éditions sur une lampe de Paavo Tynell. « Moi qui aime tant la Finlande, Marimekko et Alvar Aalto, c’était l’apothéose ! », se souvient-elle.

En juin dernier, après un an de développement pour trouver la légèreté idéale du lin, le lampadaire 9602, créé en 1938 pour l’hôtel Aulanko en Finlande, surmonté d’un abat-jour conçu à partir du tissu Haringey Circus Horses, tiré d’un dessin de 1956 d’Henry Moore, était révélé au public durant les 3 Days of Design de Copenhague. « Pouvoir apposer un textile qui a du sens sur un objet qui n’a rien perdu de sa modernité en presque un siècle, c’est vraiment le concept de base de Garro Éditions. »


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