N’en déplaise à Apple et à son nouveau stylet, le crayon et le taille-crayon ont encore de beaux jours devant eux ! Ce petit accessoire, permettant de profiler les mines de graphite en détaillant en copeaux légers le bois qui les entoure, figure toujours dans la liste officielle des fournitures scolaires recommandées par l’Éducation nationale. Avant le taille-crayon, inventé en 1828 par le mathématicien parisien Bernard Lassimone et perfectionné en 1847 par Thierry des Estivaux, on utilisait un couteau, mais le résultat était grossier. En l’intégrant dans son énumération de la panoplie de l’écrivain dans son récit autobiographique posthume Paris est une fête, Ernest Hemingway l’a consacré : « Un cahier à couverture bleue, deux crayons et un taille-crayon (un canif faisait trop de dégâts), des tables à plateaux de marbre, le parfum du petit matin, beaucoup de sueur et un mouchoir pour l’éponger, et de la chance, voilà tout ce qu’il vous fallait. » Entre le classique petit modèle en métal de Faber-Castell et la figurine de castor en Inox se doublant d’une fonction presse-papier d’Alessi, le marché aura vu défiler de nombreuses propositions en plastique coloré, y compris celles destinées aux crayons de maquillage. Par bonheur, la récente initiative de l’Université libre de Bolzano (Italie) relance le défi créatif de l’objet. Sous le titre « La Matita Rossa », 21 designers ont imaginé de nouveaux rituels pour tailler un crayon. Entre la bague The Sharpenering de Michela Franch, le pendentif à facettes en papier de verre Faces de Jessica Rosa et l’origami de métal façon avion en papier Paper Airplane de Lucrezia Faraci, on se prendrait volontiers pour Hemingway : « Je commandai un autre rhum Saint-James et, chaque fois que je levais les yeux, je regardais la fille, notamment quand je taillais mon crayon avec un taille-crayon tandis que les copeaux bouclés tombaient dans la soucoupe placée sous mon verre. »
Germain Suignard et Yolande Appleshauser