Les créations spectaculaires du maitre verrier Emmanuel Barrois

L’installation Réflexions, présentée jusqu’au 15 novembre dans le jardin du Palais-Royal, à Paris, est l’occasion pour le grand public de découvrir le travail audacieux du maître verrier Emmanuel Barrois. À la maîtrise de son matériau de prédilection, l’artisan ajoute celle de la lumière.

Dans la paisible enceinte du jardin du ­Palais-Royal, quand le soleil est au rendez-vous, d’inattendus arcs-en-ciel viennent distraire et ravir les promeneurs. Ils s’élèvent du bassin, plus précisément de la structure édifiée en son centre. Un échafaudage en verre haut de 15 mètres dont la superposition de trames dessine une esthétique hypnotisante. Cet automne, le grand square parisien accueille donc Réflexions, une installation inédite d’Emmanuel Barrois.


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Portrait du maitre verrier Emmanuel Barrois.
Portrait du maitre verrier Emmanuel Barrois. DR

« Ce projet est un vieux fantasme, explique celui-ci. Dès le départ, il a été imaginé pour ce lieu dont j’aime l’intimité. Outre sa complexité géométrique, c’est un objet presque métaphysique car il est soutenu par l’idée de l’élévation et de la transcendance qui l’accompagne. J’ai souvent ­trouvé que les échafaudages étaient plus intéressants que les ­bâtiments devant lesquels ils étaient montés ! »

Depuis plus d’une trentaine d’années, l’homme se consacre au verre. « C’est la ­matière de toutes les ambiguïtés, précise-t-il. Fragile mais résistante, immatérielle mais solide. En réalité, c’est la lumière que je travaille par le truchement du verre. J’ai fini par considérer ce dernier comme de la lumière ­solide avec laquelle on peut bâtir. »

Emmanuel Barrois et son équipe ont produit 600 m2 de dalles de verre pour le plancher de la Samaritaine, revisitée par l’architecte Kazuyo Sejima de l’agence Sanaa en 2020. Le verre extra-blanc thermoformé a été trempé puis feuilleté, tandis qu’une résine métalisée couleur champagne a ensuite été appliquée en sous-face.
Emmanuel Barrois et son équipe ont produit 600 m2 de dalles de verre pour le plancher de la Samaritaine, revisitée par l’architecte Kazuyo Sejima de l’agence Sanaa en 2020. Le verre extra-blanc thermoformé a été trempé puis feuilleté, tandis qu’une résine métalisée couleur champagne a ensuite été appliquée en sous-face. Sergio Grazia

À la fin des années 80, il fait la connaissance d’un spécialiste du vitrail. Son initiation est une révélation. Auto­didacte, Emmanuel ­Barrois quitte néanmoins ­rapidement le milieu de la restauration, ses églises et ses cathédrales, pour leur préférer l’univers bien plus exaltant de l’architecture contemporaine.

Pour lui, « ­travailler le verre, c’est ne pas être dupe de la fausse ­objectivité de la transparence, c’est se poser la question de la relativité ».Il ouvre alors son premier atelier dans un petit local à ­Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1989.

« Au Moyen Âge, les verriers étaient créatifs et innovants, observe-t-il. Ils participaient directement à l’avènement de l’architecture contemporaine de leur époque. C’est cette démarche qu’il m’intéressait de retrouver. »


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L’hybridation comme totem

L’installation Réflexions, haute de 15 mètres, est composée de 8 tonnes de verre, dont 10 % sont réemployés, et de 6 000 mètres de prismes entremêlés.
L’installation Réflexions, haute de 15 mètres, est composée de 8 tonnes de verre, dont 10 % sont réemployés, et de 6 000 mètres de prismes entremêlés. Sergio Grazia

De ses études d’agronomie, il garde en mémoire le principe de l’hétérosis, ou effet de la « vigueur hybride », qu’il intègre à sa pratique : « En génétique, la vigueur hybride est, à l’inverse de la consanguinité, un gain de productivité ou de qualité obtenu lorsqu’il y a métissage. Cela se vérifie dans tout le règne du vivant, et ce qui est vrai en biologie doit pouvoir l’être aussi dans les rapports humains. »

La rencontre avec l’architecte Claude Parent est déterminante et le convainc de poursuivre dans son usage du métissage des cultures et des techniques.

« Cela a été compliqué pendant vingt ans, se souvient-il. Il a fallu inventer un métier, apprendre à parler le langage des ­architectes. Dans sa mise en œuvre, l’architecture contemporaine s’est industrialisée et l’artisanat a été évincé. L’objectif est ­d’associer le savoir-faire et l’exigence d’un travail manuel au meilleur de ce que propose l’industrie. »

La conception de l’installation en verre a nécessité trente mois d’études d’ingénierie et plus de 12 000 heures de travail manuel en atelier.
La conception de l’installation en verre a nécessité trente mois d’études d’ingénierie et plus de 12 000 heures de travail manuel en atelier. Sergio Grazia

Il y a cinq ans, sans renoncer à la qualité de vie de sa région d’adoption et au rythme de production qu’il y avait adopté, ­Emmanuel ­Barrois s’est installé avec son équipe, soit une quinzaine de personnes, dans une ancienne friche industrielle de la SNCF à Brioude (Haute-Loire) après l’avoir réhabilitée et équipée avec l’atelier Antoine ­Dufour Architectes. ­Aujourd’hui, son activité se répartit à parts égales entre l’architecture et l’architecture intérieure.

Du Japonais Kengo Kuma au ­Britannique ­Norman Foster en passant par le ­Néerlandais Rem ­Koolhaas ou le Français Pierre Yovanovitch, les ­collaborations sont prestigieuses et la liste des projets, éloquente.

« Le luxe, plaide-t-il, c’est de pouvoir travailler dans de bonnes conditions avec des gens qu’on apprécie pour faire des choses intéressantes. » Pour l’avenir, on peut compter sur lui et sur son équipe pour, selon les mots de l’intéressé, « empêcher la poussière de se déposer ».


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