Dans la paisible enceinte du jardin du Palais-Royal, quand le soleil est au rendez-vous, d’inattendus arcs-en-ciel viennent distraire et ravir les promeneurs. Ils s’élèvent du bassin, plus précisément de la structure édifiée en son centre. Un échafaudage en verre haut de 15 mètres dont la superposition de trames dessine une esthétique hypnotisante. Cet automne, le grand square parisien accueille donc Réflexions, une installation inédite d’Emmanuel Barrois.
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« Ce projet est un vieux fantasme, explique celui-ci. Dès le départ, il a été imaginé pour ce lieu dont j’aime l’intimité. Outre sa complexité géométrique, c’est un objet presque métaphysique car il est soutenu par l’idée de l’élévation et de la transcendance qui l’accompagne. J’ai souvent trouvé que les échafaudages étaient plus intéressants que les bâtiments devant lesquels ils étaient montés ! »
Depuis plus d’une trentaine d’années, l’homme se consacre au verre. « C’est la matière de toutes les ambiguïtés, précise-t-il. Fragile mais résistante, immatérielle mais solide. En réalité, c’est la lumière que je travaille par le truchement du verre. J’ai fini par considérer ce dernier comme de la lumière solide avec laquelle on peut bâtir. »
À la fin des années 80, il fait la connaissance d’un spécialiste du vitrail. Son initiation est une révélation. Autodidacte, Emmanuel Barrois quitte néanmoins rapidement le milieu de la restauration, ses églises et ses cathédrales, pour leur préférer l’univers bien plus exaltant de l’architecture contemporaine.
Pour lui, « travailler le verre, c’est ne pas être dupe de la fausse objectivité de la transparence, c’est se poser la question de la relativité ».Il ouvre alors son premier atelier dans un petit local à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1989.
« Au Moyen Âge, les verriers étaient créatifs et innovants, observe-t-il. Ils participaient directement à l’avènement de l’architecture contemporaine de leur époque. C’est cette démarche qu’il m’intéressait de retrouver. »
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L’hybridation comme totem
De ses études d’agronomie, il garde en mémoire le principe de l’hétérosis, ou effet de la « vigueur hybride », qu’il intègre à sa pratique : « En génétique, la vigueur hybride est, à l’inverse de la consanguinité, un gain de productivité ou de qualité obtenu lorsqu’il y a métissage. Cela se vérifie dans tout le règne du vivant, et ce qui est vrai en biologie doit pouvoir l’être aussi dans les rapports humains. »
La rencontre avec l’architecte Claude Parent est déterminante et le convainc de poursuivre dans son usage du métissage des cultures et des techniques.
« Cela a été compliqué pendant vingt ans, se souvient-il. Il a fallu inventer un métier, apprendre à parler le langage des architectes. Dans sa mise en œuvre, l’architecture contemporaine s’est industrialisée et l’artisanat a été évincé. L’objectif est d’associer le savoir-faire et l’exigence d’un travail manuel au meilleur de ce que propose l’industrie. »
Il y a cinq ans, sans renoncer à la qualité de vie de sa région d’adoption et au rythme de production qu’il y avait adopté, Emmanuel Barrois s’est installé avec son équipe, soit une quinzaine de personnes, dans une ancienne friche industrielle de la SNCF à Brioude (Haute-Loire) après l’avoir réhabilitée et équipée avec l’atelier Antoine Dufour Architectes. Aujourd’hui, son activité se répartit à parts égales entre l’architecture et l’architecture intérieure.
Du Japonais Kengo Kuma au Britannique Norman Foster en passant par le Néerlandais Rem Koolhaas ou le Français Pierre Yovanovitch, les collaborations sont prestigieuses et la liste des projets, éloquente.
« Le luxe, plaide-t-il, c’est de pouvoir travailler dans de bonnes conditions avec des gens qu’on apprécie pour faire des choses intéressantes. » Pour l’avenir, on peut compter sur lui et sur son équipe pour, selon les mots de l’intéressé, « empêcher la poussière de se déposer ».
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