Issus de la même génération et de trajectoires similaires mais pas sur le même territoire, Florian Dach et Dimitri Zephir (dach&zephir) se sont rencontrés aux Arts Décoratifs de Paris en 2012, alors qu’ils étaient encore étudiants. Formés par le design d’objet, ils se sont très rapidement liés autour d’un projet commun : raconter et réinventer entre autres, une histoire du design issue de la « culture créole».
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Dimitri tient à ce terme. « Une raison toute simple, la première qui est assez évidente, c’est que moi, je viens des Antilles, je suis né en Guadeloupe. J’ai grandi là-bas et assez naturellement, ça me semblait urgent et nécessaire de défendre une pensée de la création en design, mais aussi artistique, issue de la Caraïbe, des Antilles, affirme t-il. Et justement, la volonté est de générer de nouveaux imaginaires par rapport à des histoires qu’on a entendues ou alors qui sont peu connues, et les valoriser.»
Florian lui n’a pas hésité à l’accompagner dans cette aventure, même s’il n’est pas directement concerné par la question. Les antilles françaises le sont justement par une histoire qui fait écho à l’Hexagone. Il était important pour eux de le représenter, et ce à travers une horizontalité. Ensemble, ils mènent un processus créatif qui s’établit en « chapitres ». « C’est aussi pour cela qu’on parle plutôt d’une recherche au long cours, qui se cultive en fonction des rencontres, des cadres qu’on explore.», poursuit Florian.
Élòj kréyòl (éloge créole) fut le premier chapitre avec lequel ils se sont penchés sur un savoir-faire qui allie images, objets et textes. L’idée est de remonter à la source de l’histoire d’un savoir-faire disparu, et de chercher des moyens de le faire perdurer.
Dach&zephir, le panier de la mémoire
Depuis le début de leur recherche en 2015, chaque visite sur place, en Martinique et en Guadeloupe les mènent vers une réflexion unique ; le fruit de rencontres et d’un bouche-à-oreille local. « Cela crée quelque chose où à force, on fait partie de l’écosystème, on ne vient pas juste s’implanter pour imposer une vision des choses. C’est un travail collaboratif».
Pour l’exposition « Machann Pannié », montrée à la DS Galerie dans le cadre de la Paris Design Week, ils ont choisi de valoriser l’art de la vannerie (tressage à partir de matériaux végétaux), en mettant en lien des vanniers locaux en Guadeloupe et d’autres en France héxagonale, au total neuf artisans. « Par rapport à nos différentes enquêtes de terrain, on s’est rendu compte qu’au fil du temps, la figure de l’artisan vannier aux Antilles avait laissé place à ce qu’on appelle le fabricant de paniers. Toute la dimension patrimoniale de préservation s’est complètement effacée. Parce que les gens considéraient ça plutôt comme un petit métier pour arrondir les fins de mois. Ce qui est très différent de l’histoire de la vannerie qu’on connaît en France, qui constituaient des écoles et une tradition prestigieuse.», explique le duo.
Le résultat donne lieu à 26 paniers, hérités d’une fabrication d’antan, aussi à une réinterprétation à l’aide de matériaux nouveaux, proches du design industriel.
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Chaque panier raconte un pan de l’histoire de la Guadeloupe et pose un regard neuf sur un art qui a traversé les siècles. Derrière l’objet, un vannier et une histoire qu’il porte. L’exposition ephèmère qui voyagera probablement, s’accompagne d’un journal édité par le studio, afin de faire perdurer leur objet d’étude. Initialement non prévue, ils ont mis à disposition un catalogue pour l’achat de chaque panier, dont les bénéfices reviendront aux artisans.
Ils affirment qu’il n’y a pas de fin, sinon une envie d’étendre la recherche aux Caraïbes entières, dont chaque île possède sa propre identité. Leur « créolisation par le design » promet d’ouvrir des imaginaires. Ce n’est que le début.