L’artisanat basque à l’honneur chez les Éditions du Coté

C’est le Pays basque dans toute sa richesse ! Invités par les Éditions du Coté, artistes ou designers magnifient ce territoire sur la base de figures imposées : le paysage, l’Océan, l’architecture ou les croyances. Ce sont en outre des artisans d’art exclusivement locaux, choisis par l’éditeur, qui relèvent chaque défi artistique: une entreprise collective.

Fondateurs des Éditions du Coté, Élodie Maentler et Marc-Alexandre Ducoté prouvent qu’on peut être basque d’adoption et tomber amoureux du littoral atlantique, des sorcières ou du si mignon cochon Kintoa, à l’arrière-train en forme de béret (véridique !), natif de ce pays.


À lire aussi : Biarritz, un charme inoxydable


Edition locale

De cet ancrage, les fondateurs des Éditions du Coté tirent chacune de leurs splendides pépites émotionnelles imaginées par les artistes qu’ils invitent. Leur adresse comprend une galerie d’expositions temporaires (« Efflorescences », jusqu’au 12 juillet, ou comment rendre hommage au printemps à travers des séries de vases) et une maison d’édition d’objets et de meubles dont le leitmotiv est d’offrir un regard contemporain, rafraîchissant surtout, sur les traditions landaises, béarnaises et basques.

Élodie Maentler et Marc-Alexandre Ducoté, fondateurs des Éditions du Coté, allient créativité, durabilité et engagement local.
Élodie Maentler et Marc-Alexandre Ducoté, fondateurs des Éditions du Coté, allient créativité, durabilité et engagement local. EDC / Claudia Lederer

Autre axe de réflexion : exalter la richesse du patrimoine local vivant par le biais de diverses thématiques : « Artzain » (qui signifie « berger »), « Ondulations » (sur l’Atlantique), « Perspectives » (sur l’architecture locale) et bientôt « Incantations » (sur les légendes et la spiritualité). Chaque oeuvre est systématiquement réalisée par des artisans dans un rayon de 30 kilomètres.

« Parce que je quittais l’univers de la mode lorsque nous avons ouvert la galerie en 2017, je n’y connaissais rien, contrairement à Élodie qui avait créé sa société d’architecture intérieure. Avant toute chose, il me fallait dénicher des savoir-faire, trouver des artisans, les sonder pour savoir s’ils avaient envie de se lancer dans des aventures nouvelles. Ces réalisations demandent du temps et ne sont pas toujours rentables, mais finalement une vingtaine de professionnels travaillent aujourd’hui avec nous régulièrement », comptabilise Marc-Alexandre.

Comme un refuge, un cocon d’introspection, UBO crée un espace nouveau, propice à la création musicale et au ressourcement.
Comme un refuge, un cocon d’introspection, UBO crée un espace nouveau, propice à la création musicale et au ressourcement. Claudia Lederer

Ils sont tourneurs, ébénistes, menuisiers, souffleurs de verre, ferronniers ou tresseurs de corde et installés le long d’un axe Bordeaux, Pau et Bilbao (Espagne).

Artistique et fonctionnel

Chaque projet est une création collective, d’ailleurs le nom des artisans qui ont participé à son élaboration figure à côté de ceux de l’artiste et de l’éditeur.« Pour ma part, je creuse les thèmes et le créateur dessine le projet qui sera adressé dans sa totalité à l’artisan. Même si sa contribution se limite au travail du métal, il a besoin d’une vue d’ensemble. L’artiste est parfois conceptuel et le dialogue avec les autres peut se révéler compliqué, c’est pourquoi je tiens à la création d’objets “à vivre”. Et l’artisan valorise toujours mieux son intervention lorsqu’une fonctionnalité existe. Il a besoin d’ancrer son imaginaire dans son savoir-faire », assure Marc-Alexandre Ducoté.

Maddi Bi, de Joan Tarragó Pampalona, évocation du vent et de la transparence du ciel autour de la montagne, est une collaboration avec les entreprises Agglolux pour les pieds en liège et Tauzin pour la gravure sur verre.
Maddi Bi, de Joan Tarragó Pampalona, évocation du vent et de la transparence du ciel autour de la montagne, est une collaboration avec les entreprises Agglolux pour les pieds en liège et Tauzin pour la gravure sur verre. Claudia Lederer

Il poursuit : « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, un objet fonctionnel est bien plus compliqué à réaliser qu’une sculpture. Pourtant celle-ci se vendra probablement plus cher. » Et de citer l’exemple d’Elkano, une curieuse assise à bascule illustrant le thème « Ondulations ».

Premier pas de côté de l’éditeur : son choix s’est porté sur Ucka Ludovic Ilolo qui n’est pas designer, mais danseur et chorégraphe! Néanmoins, en pensant geste et mouvement, l’artiste a imaginé une étonnante sculpture (à vivre) en déséquilibre, qui vibre et se balance lorsqu’on la touche, mais qui se fige lorsqu’on s’y assoit…

Cet ovni figure un peu la quadrature du cercle et a demandé à notre éditeur (et à son papa !) des heures de calcul autour de la gravité, de la vitesse d’oscillation ou de la densité des matériaux.

Fauteuil-sculpture Elkano, de l’artiste Ucka Ludovic Ilolo, réalisé avec Inox Pyrénées, le maître artisan Daniel Lizarralde, l’atelier Arano pour les patins en cuir et Projetcolor pour la peinture.
Fauteuil-sculpture Elkano, de l’artiste Ucka Ludovic Ilolo, réalisé avec Inox Pyrénées, le maître artisan Daniel Lizarralde, l’atelier Arano pour les patins en cuir et Projetcolor pour la peinture. Claudia Lederer

« Une grosse prise de tête. Ensuite, nous avons trouvé un cordage en papier danois utilisé dans les années 50, mais il nous fallait l’artisan capable de le travailler. Nous avons franchi la frontière pour dénicher Daniel Lizarralde, à 25 kilomètres de chez nous. Ce Basque espagnol a su tisser ce papier à la brésilienne, en lignes parallèles. Ucka Ludovic Ilolo n’a pas eu de contact avec les artisans parce qu’étant l’éditeur, je coordonne l’exécution. Je croyais à l’époque que cette configuration serait valable pour chaque artiste. Erreur… Il arrive que certains veuillent participer à l’élaboration », précise l’entrepreneur en riant.

C’est le cas de Nicolas Verschaeve, qui a souhaité rencontrer Virgile Pilon, le luthier qui allait concrétiser sa création imaginée aussi pour la collection « Ondulations ». La curiosité du premier a provoqué un échange fourni de questions-réponses sur ce que l’on peut faire, quelles formes, comment, selon quels procédés, etc. « Nicolas a joué avec l’idée de se servir des gabarits qui servent à la fabrication des guitares, la spécialité de Virgile Pilon, mais au fur et à mesure de la discussion, ils sont tombés d’accord pour travailler sur la jonction de deux fines plaques de bois précieux », explique l’éditeur.

Portrait du designer Nicolas Verschaeve.
Portrait du designer Nicolas Verschaeve. Claudia Lederer

Ainsi, une fois légèrement inclinées l’une vers l’autre, elles vibrent à l’unisson, symbolisant la frontière comme lieu de rencontre, évocation aussi des marées. Pour que cette pulsation puisse être déclenchée, le luthier a intégré une structure cachée qui fait résonner cette sculpture baptisée Amplitude. Un savoir-faire typique de son métier, renforçant à merveille la subtile référence de Nicolas Verschaeve à la lune sur l’Océan.

Tout près de chez soi

Bien sûr, ne faire travailler que des artisans proches de chez soi peut devenir un casse-tête. Ainsi, pour la table Maddi Bi symbolisant la montagne et le ciel, signée Joan Tarragó Pampalona, il fallait un spécialiste possédant la machine adéquate pouvant graver au laser des vagues sur un plateau de verre. Ce matériau spécial coûtant une fortune, l’à-peu-près était exclu !

Le designer Nicolas Verschaeve dans l’atelier du luthier Virgile Pilon, en pleine réflexion pour son projet Amplitude, lui appartient à la collection « Ondulations ». Une pièce éditée par les Éditions du Coté.
Le designer Nicolas Verschaeve dans l’atelier du luthier Virgile Pilon, en pleine réflexion pour son projet Amplitude, lui appartient à la collection « Ondulations ». Une pièce éditée par les Éditions du Coté. Claudia Lederer

« On n’anticipe pas ce genre de problème technique, cependant j’ai vraiment redouté que le verre se brise. On a dû beaucoup chercher avant de tomber sur l’artisan local capable de répondre à notre demande. On a eu de la chance, le résultat est top », souffle notre éditeur, heureux d’être allé au bout de ce projet.

Au fil du temps, Marc-Alexandre Ducoté a ainsi appris les réalités de la fabrication : « Ça m’apporte énormément. De nous deux, Élodie est la plus “technique” alors que j’intellectualise beaucoup. Je suis bien sûr incapable d’exécuter le travail des artisans, mais j’aime apprendre et je suis curieux. Éditeur, créateur, à chacun sa casquette ! L’intelligence de la main donne toute sa valeur à l’exécution. S’il n’influe pas sur l’esthétique, l’artisan participe parfois à l’évolution de la forme, mais, surtout, son savoir-faire est inestimable sur les finitions et les détails invisibles. Il accroît la beauté des choses, ce que j’admire et respecte. »

Même les sirènes se recyclent

L’envie d’expérimenter de nouveaux matériaux fait partie du travail de cet éditeur et cela le conduit à d’étonnantes découvertes comme cette matière à base d’écailles de poisson inventée par une jeune société locale – hélas fermée aujourd’hui ! – dont il a raflé le stock. Une trouvaille inespérée… mais qu’en faire ?

Legaza, signé Fafi, est un miroir dont le pied se compose notamment d’un matériau constitué d’écailles de poisson qui a été mis aupoint par une entreprise locale aujourd’hui disparue. La méridienne Vestiges est un projet de Maentler studio avec Pascal Daveluy,prototypiste de canapés à Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Legaza, signé Fafi, est un miroir dont le pied se compose notamment d’un matériau constitué d’écailles de poisson qui a été mis au
point par une entreprise locale aujourd’hui disparue. La méridienne Vestiges est un projet de Maentler studio avec Pascal Daveluy,
prototypiste de canapés à Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques. Papi aime mamie

Elle ornera finalement le pied de Legaza, un miroir en queue de sirène imaginé par Fafi, street-artiste et militante féministe qui s’est emparée d’une légendaire sirène 100 % régionale. Marc-Alexandre Ducoté lui a servi sur un plateau cette histoire pêchée dans le livre pour enfants de l’auteur basque Marc Légasse, La Petite Sirène au peigne et au miroir d’or.

« Parce que cette matière se travaille comme du bois, nous avons confié la réalisation à Jean-Paul Mendiburu, un super-menuisier. La potentialité des artisans est trop souvent inexploitée. Mais lorsqu’ils sont ouverts à la nouveauté et qu’ils acceptent l’engagement qu’implique un boulot qui n’est pas prémâché, je constate un résultat souvent génial. »

Projet récent de Maentler studio, présenté à la foire Collectible 2024, à Bruxelles, les trois tables d’appoint sculpturales Argibat, Argibi et Argiru, nées de deux formes imbriquées, sont issues d’un processus qui s’apparente à celui du sculpteur. Elles ont été envisagées comme une transformation de la matière avec un minimum de pertes : « recombiner les formes sans les déformer, créer des contrastes, des rencontres inattendues, révéler des torsions, sublimer des frontières et faire émerger une nouvelle harmonie », précise leur éditeur. Les pièces ont été tournées par Xavier Favaro et assemblées à la Menuiserie Entsia. Une pièce éditée par les Éditions du Coté.
Projet récent de Maentler studio, présenté à la foire Collectible 2024, à Bruxelles, les trois tables d’appoint sculpturales Argibat, Argibi et Argiru, nées de deux formes imbriquées, sont issues d’un processus qui s’apparente à celui du sculpteur. Elles ont été envisagées comme une transformation de la matière avec un minimum de pertes : « recombiner les formes sans les déformer, créer des contrastes, des rencontres inattendues, révéler des torsions, sublimer des frontières et faire émerger une nouvelle harmonie », précise leur éditeur. Les pièces ont été tournées par Xavier Favaro et assemblées à la Menuiserie Entsia. Une pièce éditée par les Éditions du Coté. EDC

À force de côtoyer les ateliers et d’apprécier l’étendue de leurs possibilités, une idée a germé dans l’esprit des deux éditeurs : concevoir eux-mêmes une méridienne.

La mise au point en est revenue à Pascal Daveluy, ancien élève de l’école Boulle, designer et seul prototypiste de France capable de créer et de fabriquer de A à Z des canapés de luxe. Est-il vraiment nécessaire de préciser que son entreprise se situe exactement à quatorze minutes (à vélo) des Éditions du Coté ?


À lire aussi : Treku, le design collé aux Basques

The Good Spots Destination France