On ne va pas à Rio sans emprunter le Bonde Elétrico, ce petit tramway jaune qui serpente bruyamment au-dessus des fameuses arches de Lapa, sur ses rails tout juste restaurés, reliant le Centro aux collines de Santa Teresa. C’est au pied de cet ancien aqueduc immaculé sur fond de ciel azur, construit en 1723, que se niche ce quartier de Lapa, aujourd’hui le plus bohème et culturel de la ville. À travers ses treize rues, certaines encore délabrées, se croisent dans un chaos automobile, quasi permanent à Rio, les taxis jaunes et les vendeurs de bouteilles d’eau de coco, pédalant avec nonchalance sur leurs petites carrioles de guingois. Qu’importe le brouhaha qui s’élève jusqu’aux immeubles modernes des années 60 et ceux flambant neuf.
Lorsque l’on s’aventure dans les ruelles plus calmes de cette enclave carioca en pleine rénovation, plus rien n’altère l’impression que l’on a d’être dans un temps suspendu. C’est ici, à Lapa, que fut construite la première rue résidentielle de Rio, la rua do Lavradio, aujourd’hui piétonne. Vestiges de la Belle Époque, les maisons portugaises du XIXe aux couleurs pastel délavées y sont pour la plupart réhabilitées en restaurants bobo chic et en petites boutiques vintage et friperies sans prétention. Le Rio Scenarium, temple de la samba dont la déco intérieure est unique, s’y est installé il y a quinze ans déjà et a gagné ses galons d’institution. De nombreux espaces culturels sont peu à peu inaugurés. Chaque mois, sur la place Tiradentes, des artistes exposent leurs œuvres et le musée de l’Artisanat a ouvert ses portes début 2016. Juste en face, l’œil du passant est captivé par l’immense graffiti réalisé par la très hype graffeuse brésilienne Panmela Castro, dont le credo est la défense des droits des femmes. Un message fort pour cette commande récente qui participe à la dynamique culturelle et artistique du quartier.
À quelques maisons de là, dans les galeries d’antiquaires, on vient chiner le magnifique mobilier brésilien des années 50 et 60 à tous les prix. Plus au centre, où les rues sont jalonnées de lampadaires en demi-cercle, on admire de belles demeures aujourd’hui divisées en plusieurs appartements. La rua do Ouvidor, piétonne elle aussi, est envahie de terrasses de cafés et de boutiques. Le Marché de fruits et légumes, place du Général Osorio, au bas de Lapa, se tient tous les samedis matin dans une explosion de couleurs. Une vraie vie de quartier anime cette enclave qu’affectionnent les créatifs de tout poil. Mais lorsque le soleil se couche sur Ipanema, c’est au pied des fameuses arches qui traversent le quartier, les Arcos da Lapa, que l’on se retrouve dès le vendredi soir jusqu’au dimanche pour faire la fête, danser et écouter toutes sortes de musiques. Samba, forro, choro s’échappent de ses bars et de ses restaurants et la foule se déverse dans les rues. Aucun doute, le vrai quartier de Rio aujourd’hui, aussi vibrant que le fut Copacabana dans les années 60, c’est Lapa !