La Commission européenne en a fait sa Capitale verte 2021, une belle reconnaissance pour Lahti qui, au-delà de ses atouts que sont l’architecture et la culture locales, est aussi une porte d’entrée vers les spectaculaires espaces naturels qui font la richesse de la Finlande.
La Finlande, verte et moderne
Pour la quatrième année consécutive, la Finlande truste la première place du podium des pays où la population serait la plus heureuse. Si ce classement du bonheur, The World Happiness Report, réalisé sous l’égide de l’ONU, peut sembler fantaisiste tant les critères sont subjectifs, la Finlande a néanmoins de sérieux atouts à faire valoir en matière de qualité de vie. Face à la pandémie mondiale, les métropoles ont âprement montré leurs limites à celles et ceux qui n’ont pu s’en extraire. L’attrait pour les grands espaces et le désir de nature n’ont jamais été aussi forts chez de nombreux citadins tandis que le mythe d’une vie urbaine trépidante ne fait plus autant rêver.
À l’exception d’Helsinki, la capitale, et de la Laponie, objet de tous les fantasmes, la Finlande demeure un territoire mal connu qui vaut pourtant le détour. À l’aune de ce nouveau paradigme sociétal, le pays se révèle une destination idéale pour celles et ceux qui aspirent à un mode de vie en relation immédiate avec la nature. Les forêts y sont denses, magnifiques et nombreuses ; les collines dessinent un relief ondoyant tandis que les étendues scintillantes du « Pays des mille lacs » laissent difficilement indifférent. Mariée à l’état d’esprit nordique, cette géographie exceptionnelle a fait de la Finlande une terre souveraine pour la transition écologique, dont la crise sanitaire est venue souligner l’urgence.
Capitale verte 2021
Il est des villes dont on tombe immédiatement amoureux, qui font consensus. Il en est d’autres, moins attractives, mais qui se révèlent tout aussi riches à la faveur d’un regard bienveillant. À trois heures de vol de Paris et à une centaine de kilomètres au nord d’Helsinki, Lahti fait partie de cette seconde catégorie. Avec ses 120 000 habitants, la huitième ville de Finlande est de celles qui s’apprivoisent et invitent à prendre le temps. De temps il est d’ailleurs question à travers un engagement écologique qui ne date pas d’hier. Désignée Capitale verte européenne 2021, Lahti a fait de la neutralité carbone un véritable projet politique. Cette distinction est le fait de la Commission européenne qui, depuis 2010, récompense les villes pionnières en matière de développement durable.
En 2022, Grenoble succédera à Lahti. En 2023, ce sera au tour de Tallinn, en Estonie. Pour obtenir ce titre, il ne suffit pas d’afficher quelques bonnes intentions, mais bien d’avoir entrepris une transition profonde, et ce dans tous les domaines. Ce que résume Milla Bruneau, directrice exécutive du projet Lahti European Green Capital 2021 : « Un avenir durable nécessite des actions, pas seulement des discours. Lahti est la plus petite ville à ce jour à recevoir cette distinction. Si nous pouvons vivre de manière aussi vertueuse, malgré notre statut de ville moyenne, tout le monde peut le faire. »
Comment Lahti s’est-elle donc hissée au rang de porte-drapeau de la politique environnementale finlandaise ? Le coup d’envoi fut marqué par un acte fort : le nettoyage du lac Vesijärvi, qui borde la cité. La qualité de l’eau, autrefois mauvaise en raison d’une importante pollution, a été restaurée par des mesures drastiques qui ont transformé cette étendue de 108 km² en un lieu prisé de tous les habitants de la région. On s’y baigne, on y pêche, on y pratique les sports nautiques ou le patin à glace au cœur de l’hiver… Ce succès est le point de départ de l’expertise environnementale sur laquelle la ville peut aujourd’hui s’appuyer. Depuis, elle multiplie les champs d’action. Transformation énergétique, politique offensive de recyclage des déchets, préservation de la nature, qualité de l’air, abandon du charbon, économie circulaire : Lahti s’affirme comme un « laboratoire de l’économie positive territoriale ».
Retour aux sources
Difficile cependant de mener une telle politique sans la participation des administrés. Et pour les convaincre d’être proactifs dans cette aventure, le meilleur argument reste leur bien-être. Leur offrir un cadre sain tout en œuvrant pour la planète, telle est l’équation gagnante de Lahti. Les gestes écocitoyens sont ainsi largement encouragés. Les habitants ont par exemple la possibilité de suivre leur empreinte carbone et l’impact de leurs choix sur l’environnement en matière de transport à l’aide d’une application mobile : CitiCAP. Et lorsqu’ils abandonnent leur voiture au profit du vélo, du bus ou de la marche, ils bénéficient d’avantages. Des récompenses accordées sous forme de monnaie virtuelle qui leur permet d’acheter des tickets de bus, de piscine ou encore des billets pour assister à ces compétitions sportives. Ils sont ainsi pleinement engagés dans cette transformation inédite.
L’objectif global est de réduire les émissions de CO2 des transports et de promouvoir une mobilité durable. Car Lahti ne cache pas ses ambitions. Elle souhaite devenir 100 % neutre en carbone à l’horizon 2025 quand d’autres métropoles ne prennent pas le risque de fixer des échéances si proches. Maire de la ville, Pekka Timonen estime que cet engagement devrait être généralisé à l’échelle mondiale. D’ici là, il agit sur son propre territoire avec une conviction contagieuse : « Quels que soient nos projets, les objectifs environnementaux sont intégrés. Nous nous devons d’être innovants, car Lahti n’est pas une cité très riche. Mais nous offrons un lifestyle qui correspond bien aux attentes du moment. C’est la revanche des villes moyennes ! » De la même manière que Paris assiste à la fuite d’une partie de ses habitants au profit de cadres de vie plus cléments, l’agglomération finlandaise voit arriver une nouvelle population venue d’Helsinki, mais également des entreprises qui se délocalisent. Ici comme ailleurs, les cartes du territoire sont rebattues par la pandémie.
D’une ville qui paraissait auparavant un peu fade, Lahti est donc devenue désirable à la faveur d’une politique verte, élément moteur de sa métamorphose. Parmi les prochains défis, atteindre la neutralité carbone dans le domaine de la construction. En 2000, la future capitale verte avait fait parler d’elle avec l’achèvement du Sibelius Hall, au bord du lac Vesijärvi. Baptisé en hommage au compositeur finlandais Jean Sibelius, il héberge l’orchestre symphonique de Lahti. Signé Kimmo Lintula et Hannu Tikka, ce bâtiment précurseur était, lors de son inauguration, le plus grand édifice public finlandais en bois. De plus, étant situé dans le quartier du port, il en a amorcé la transformation : cafés et restaurants se sont installés au bord de l’eau, métamorphosant ce secteur quelque peu désaffecté en hot spot très fréquenté par les habitants comme par les touristes, en particulier durant l’été.
À deux pas, le Wood Architecture Park rassemble quant à lui des constructions conçues par des architectes renommés et célébrant les savoir-faire autour du bois et de ses vertus esthétiques. Depuis le port, on peut aussi rejoindre le parc Lanu-Puisto, où les sculptures d’Olavi Lanu font corps avec la nature. Elles ont trouvé place entre la quarantaine d’espèces d’arbres qui composent l’Arboretum. La réalisation du Sibelius Hall a relancé l’intérêt pour le bois, matériau qui fut étonnamment délaissé au profit du béton avant de revenir sur le devant de la scène et que la filière s’organise.
Il était temps ! Cette ressource, disponible massivement et localement, est aussi le premier produit d’exportation du pays. Les nouvelles techniques en ont démultiplié les possibilités d’utilisation et la Finlande a compris qu’y recourir était l’un de ses meilleurs atouts. Un retour aux sources salutaire puisque la construction en bois fait partie de l’identité nationale, comme en témoignent deux quartiers résidentiels historiques où s’alignent de jolies maisons colorées : Paavola et Anttilanmäki. Des visites incontournables qui sonnent comme une invitation à humer ce style de vie finlandais que le design a tant médiatisé. Ainsi, dans la ville comme dans le reste du pays, l’architecture joue les premiers rôles.
Pour les amateurs de joyaux du XXe siècle, Lahti possède une très belle église signée Alvar Aalto. Caractérisée par son plan triangulaire, Ristinkirkko (l’église de la Croix) fut achevée en 1978, deux ans après la disparition du maître finlandais. Quant à l’hôtel de ville, réalisé par Eliel Saarinen, il date de 1912. Autre époque, autre icône, le stade de saut à ski Salpausselkä, avec ses trois tremplins, accueille chaque année la coupe du monde de la discipline. Le reste du temps, c’est également une attraction qui se visite et permet d’embrasser les vues lointaines sur la région. Au printemps 2022, le musée des Arts visuels, le Malva, ouvrira ses portes dans les murs de Malski, une ancienne brasserie. Il s’affiche comme l’un des projets culturels les plus ambitieux de Finlande. Une raison supplémentaire de découvrir Lahti.
La nature aux portes de la ville
Autre point fort du voyage, la ville est également située aux portes de la région des lacs qui ont façonné l’image du pays. Il n’y a pas besoin de rouler des heures pour tutoyer les espaces naturels. À une dizaine de kilomètres seulement, place à l’air pur, aux forêts verdoyantes et aux vastes étendues bleues. Salpausselkä Geopark, Lapakisto Nature Park, la station de ski de Messilä, le resort de Lehmonkärki : les possibilités d’activités en plein air sont nombreuses et faciles d’accès. Annukka Linninen est guide et connaît la région comme sa poche. Selon les saisons, elle organise des promenades à vélo, en kayak ou à skis, des retraites sur une île déserte ou encore des balades pour découvrir les champignons : « Avec la crise sanitaire, les urbains ont retrouvé le goût de la nature et sont très demandeurs de ces nouvelles expériences », confie-t-elle. Et de souligner que même pour les Finlandais, la nécessité de se connecter avec les éléments est plus forte que jamais. Alors que le slow tourism n’a jamais eu autant la cote, Lahti se révèle ainsi une ville à considérer avec la plus grande attention. Ou comment sortir des destinations touristiques rebattues et renouer avec la nature en toute simplicité.