Le paradis des autres
Pour expliquer le succès de The Socialite Family, il faut d’abord préciser que notre Milanaise a été acheteuse d’art en agence de publicité et chargée du casting de photographes émergents. « Chercher des signatures photographiques, défendre un travail, une nouvelle génération, c’est grisant. Je voulais donner de la visibilité aux inconnus de talent et aux accidents artistiques. C’est exactement aujourd’hui l’esprit de The Socialite Family », nous dit-elle, en nous resservant un café ristretto susceptible de réveiller un mort. Elle a aussi été rédactrice en chef de la section mode enfantine du magazine Milk jusqu’à la naissance, en 2012, de Brune, sa fille. Durant la pause qui s’est ensuivie, l’idée d’un blog a émergé sur le coin de la table de sa cuisine. « Je ne voulais pas partager un journal intime, mais montrer les autres », confie-t-elle.
Aidée de son mari, Laurent Geneslay – qui a cofondé, avec Rasmus Michau, l’espace de co-working The Bureau –, cette spécialiste de l’image veut présenter les intérieurs de jeunes familles férues de design, de déco, d’agencements ciselés, d’art aussi. Cela avec un petit twist personnel qui consiste à ne jamais en aseptiser l’apparence. Bien au contraire, le quotidien y « traîne » à travers la présence d’un doudou d’enfant, de livres ouverts, d’une casserole qui fume sur la cuisinière… Résultat : des intérieurs beaux et désirables, mais surtout vivants, joyeux, cool. « Je n’avais aucun business-modèle, mais mon mari, avec son esprit logique de tradeur, m’a juré que ça prendrait forme au fur et à mesure. Ensemble, nous avons trouvé le nom. Le côté “socialite” (“mondain”) m’attirait pour son sens urbain, pointu, connecté. Accolé à “family” (“famille”), ça matchait, parce que je voulais coller à ma génération, qui me fascinait par son dynamisme. J’avais alors 33 ans. »
Être invitée dans l’intimité des Millennials, c’est aussi se transformer un peu en sociologue. « En fait, c’est une génération qui adore bluffer les autres par sa créativité et c’est d’autant plus intéressant de la voir dans son cadre de vie », assure Constance Gennari. Notre décodeuse observe ainsi autant ses amies parisiennes que leurs appartements, qui ne ressemblent à aucun autre. Elle s’avoue impressionnée par ces jeunes femmes – majoritairement représentées – indépendantes, qui travaillent et gèrent l’éducation d’enfants arrivés tardivement pour la plupart d’entre elles. « Les Françaises sont un peu dingues. Elles font tout vite et bien : s’occupent de leur famille, cuisinent, font les courses, reçoivent, chinent, sont toujours impeccables… et avec décontraction. Comment font-elles ? Où achètent-elles objets et meubles ? Comment mixent-elles tout ça ? Ça m’intriguait. J’ai aussi noté que les hommes s’impliquaient beaucoup dans la décoration, avec passion et style. Ils aiment croiser les époques, les cultures et les goûts. Dans ces milieux, les enfants apprennent également à vivre dans de belles choses. Il faut simplement accepter la casse et savoir tourner un vase fêlé côté mur ! », sourit (d’expérience) Constance Gennari, fascinée par ces tribus recomposées ou non, gay ou pas, évoluant dans des milieux arty ou financiers.