« C’est l’apanage des grands noms de la mode d’en faire toujours un peu trop », nous confiait récemment la décoratrice et designer Gesa Hansen, qui dit préférer « de loin à un petit bout de papier peint posé timidement sur un mur une pièce entière tapissée dans un motif voyant ». Terminé, la demi-mesure en déco ? Peut-être bien… C’est d’ailleurs un créateur de mode qui donnait, à l’automne, le coup d’envoi d’une saison marquée par les imprimés osés : Jean-Paul Gaultier himself a en effet signé, fin 2016, la première collection de papiers peints de la prestigieuse maison de tissus Lelièvre, envoyant de la rayure à tout-va, des roses « flamboyantes » sur fond bleu ciel, et tout un tas d’autres motifs inédits et exubérants qui imitent des carrelages portugais, des carambolages de voitures ou des compressions de César.
Le trompe-l’œil, ce procédé ancré dans le paysage décoratif depuis des lustres, fait donc son come-back auprès des éditeurs de tissus patrimoniaux, comme Lelièvre, Élitis ou Little Greene, mais aussi auprès des marques de déco plus jeunes comme Mues Design qui propose du sur-mesure. Si le très classique Pierre Frey, par exemple, édite lui aussi cet hiver un trompe-l’œil « marbré » dessiné par l’artiste designer Mathias Kiss, ENOstudio, spécialisé dans le design contemporain, mise sur le faux motif terrazzo, matériau de construction italien historique à l’aspect moucheté, qui fait lui aussi un carton en ce moment chez les architectes d’intérieur.
Et si l’idée est d’obtenir un total look du sol au plafond, elle fonctionne aussi bien avec le granité et le marbré qu’avec les motifs floraux, stylisés ou non, comme chez Wall & Decò qui fait appel au créateur de mode Antonio Marras pour dessiner le motif Jasminum. De mode, il est justement question chez les petites marques françaises audacieuses qui proposent carrément de coordonner déco et accessoires de mode, à l’instar de Maison Baluchon qui décline sur du papier peint les imprimés chic et désuets de ses sacoches et pochettes en tissu.
Parce que trop, ces temps-ci, ce n’est jamais assez, mais aussi parce qu’entre mode et déco, décidément, le courant passe. Ce n’est pas Tiphaine de Bodman, créatrice d’imprimés pour Kenzo, qui dira le contraire : « En ce moment, les motifs que je dessine pour la mode sont repris dans l’univers de la maison, c’est dans l’air du temps », explique la jeune femme qui vient de sortir sa deuxième collection de papiers peints et de coussins pour la marque de déco Petite Friture, après Jungle, dont les ventes ont, selon elle, dépassé toutes les espérances.