Le train quitte la gare de Marseille-Saint-Charles. Dans les oreilles, le podcast La mer est belle! de Camille Lhomme, entrepreneuse dans l’hôtellerie et la restauration. Amoureuse de La Ciotat, elle décrit sa ville en quelques mots : « Sans chichis, parfaitement imparfaite, décousue, pleine de culot […], détestée, puis adorée ».
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Quand le cinéma naît au bord de la mer : La Ciotat racontée
Également au micro, le photographe Bernard Plossu évoque, quant à lui, la lumière de la cité, aveuglante l’été et plus douce l’hiver. En sourdine dans les échanges, le bruit de la mer. On ferme les yeux et on entend déjà les cris des gabians (« goélands », en provençal) qui se fondent dans les crissements des freins. Le TER entre en gare de La Ciotat-Ceyreste, comme la locomotive à vapeur immortalisée par Louis Lumière (1864-1948).

C’était en 1895, un court-métrage de cinquante secondes, L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, l’un des premiers films au monde. Louis nous attend d’ailleurs sur le quai, peint sur les murs de la gare en compagnie de son frère Auguste. Une exposition « La Ciotat, ville de cinéma » leur rend actuellement hommage. De leurs années « lumineuses » où ils tournèrent plusieurs fois dans cette station balnéaire, il reste aussi le plus ancien cinéma du monde encore en activité : l’Eden-Théâtre, qui boit la mer du regard.
La Grande Bleue est partout à La Ciotat. Dans les calanques du Mugel et de Figuerolles, autour de l’Île Verte et, surtout, dans les têtes. La ville s’est construite autour de l’eau et les chantiers navals font partie de son ADN. Quand ils ont fermé en 1986, elle a sombré. Seuls quelques irréductibles (les « 105 ») ont continué d’y croire, en défendant les lieux. Leur occupation illégitime aura duré six ans.

Les chantiers sont finalement relancés en se spécialisant dans la maintenance et la réparation de yachts et de super yachts. Le légendaire portique du port, 93 mètres de haut, fait le lien entre hier et aujourd’hui. Du quai opposé, on ne voit que lui. On longe alors le port, bordé de maisons colorées, avant de bifurquer vers l’église. Là, avec sa fontaine ombragée, la place Sadi-Carnot a un air pagnolesque.
La Ciotat se savoure : entre plages, commerces et initiatives locales
C’est ici que le cœur du vieux La Ciotat bat le plus fort et, aussi, à quelques pas, au Café de l’Horloge, une institution centenaire. Il y a une dizaine d’années, Camille Lhomme en reprenait la gérance. Ouvert sept jours sur sept (une curiosité !), il anime le centre-ville de la taille d’un mouchoir de poche. Le prix du café reste à 2 €, même en terrasse.

En face, Marine, la sœur de Camille, et son compagnon Romain Lauwerier tiennent la boutique Quel Pot! au concept hybride. Les plantes y côtoient les parfums d’ambiance et les pots de peinture. Durant les vacances, le couple laisse les clés à Anti_Fashion Project, une association qui œuvre pour la réinsertion sociale par la mode. L’an dernier, de jeunes créateurs ont investi la boutique, heureux de goûter aux joies du Sud.
Et quel Sud ! Le soir, l’apéro se prend sur la plage, les pieds dans le sable. Quant aux baignades, il y a le choix parmi les calanques, qui se trouvent à une vingtaine de minutes à pied. L’horizon de la Grande Bleue permet de nourrir les projets. Camille Lhomme, qui gère la location des hébergements atypiques au bord de la mer de la collection « La Maison de Famille », a toujours mafi (« plein ») de projets.

Elle a déjà lancé des collaborations avec des photographes et des illustrateurs pour réaliser des cartes postales destinées à montrer et à faire rayonner la ville. Elle aime dénicher des talents, les mettre en lumière ou les faire venir sur place. C’est ainsi qu’elle a aidé à l’implantation de nombreux commerces, dont Chymós à l’essentiel, une épicerie de vrac.
Et ça marche ! Son action a un effet boule de neige. La Ciotat sort peu à peu de l’ombre. On ne compte plus les ouvertures de boutiques. La piétonnisation du centre-ville y est pour beaucoup. « La mairie a la volonté d’aider les artisans ou les commerces que l’on ne trouve pas forcément ailleurs », remarque la mosaïste Marie Tramond, du Studio Georgette, qui bénéficie d’un local à prix accessible via la commune.

« La ville ne souhaite pas de franchise ni de sandwicherie rapide », poursuit-elle. La Ciotat est en pleine renaissance et peut s’enorgueillir du Couleurs de Shimatani, un restaurant étoilé. Elle se plaît désormais à rêver aussi grand que la Méditerranée. Sous ses façades ocre et miel, la ville séduit les visiteurs en quête d’authenticité. Un verre de pastis dans une main, une boule de pétanque dans l’autre et la serviette de plage sur l’épaule, on comprend vite : La Ciotat ne se visite pas, elle se savoure.
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