Vous qui réalisez habituellement des sculptures, comment en êtes-vous arrivé à fabriquer des maquettes ?
Thomas Schütte : J’en ai parfois assez de courir de foire en foire, d’être toujours sur la route. Alors, durant mon temps libre, j’ai commencé à fabriquer des maquettes. Ce ne sont ni des œuvres d’art ni des pièces d’architecture, simplement une façon agréable de passer le temps, un moment de liberté.
Vous ne définissez donc pas vos maquettes comme des pièces d’architecture ?
Je les façonne avant qu’elles ne partent entre les mains d’architectes et d’ingénieurs qui, eux, réalisent les projets. Je ne veux avoir aucune contrainte, je n’ai même parfois pas idée du coût de leur réalisation ! Sans l’intelligence constructive de ces professionnels, mes maquettes ne verraient jamais le jour à l’échelle 1/1.
Ce ne sont pas non plus des œuvres d’art…
Aujourd’hui, l’art est un produit de luxe, entre les mains de millionnaires. Les foires sont décevantes et produire de l’art découle d’un pur processus marketing. Ici, c’est le contraire : on emploie des matériaux sobres pour un résultat qualitatif. J’aime la dimension archaïque, essentielle de ces architectures.
Avez-vous toujours eu en tête de les vendre ?
Cela fait vingt ans que je fabrique des maquettes. Au début, les collectionneurs les conservaient en l’état. Aujourd’hui, je préfère qu’elles soient cédées pour devenir des constructions. Lorsqu’on me demande de grands bronzes pour des jardins, je préfère proposer un bâtiment qui pourra servir de chapelle, de retraite, de temple… Je préfère favoriser la contemplation plutôt que la spéculation.
Comment est né ce projet de Blockhaus sur le campus Vitra ?
C’est Rolf Fehlbaum (le patron de Vitra, NDLR) qui, en découvrant l’une de mes maquettes, a souhaité la voir réalisée sur le campus. L’idée originelle était de la doter d’une cloche pour lui donner une âme de chapelle, mais, puisqu’un bâtiment du campus en est déjà doté, la maquette a pris la forme d’un lieu dans lequel on ne trouve que deux bancs et un point d’eau. Son architecture est tout aussi archaïque que son usage. Chaque poutre est taillée à la main, sans l’aide d’un ordinateur, dans un atelier du nord de la Russie. Aujourd’hui encore, je suis surpris que Rolf Fehlbaum ait choisi cette maquette, tant elle est éloignée de ses goûts modernistes.
> Vitra Campus, Charles-Eames-Str. 2 D-79576 Weil am Rhein.