Sur une photo en noir et blanc, de jeunes gens dansent et rient. « De nombreux couples se sont formés ici, s’amuse Nicolas Conraux, chef-propriétaire du lieu. Leurs enfants ou petits-enfants viennent parfois en pèlerinage. » Le mur du lobby est tapissé de ces instantanés surannés, témoins des 70 bougies que souffle cette année La Butte, née sous les traits d’un restaurant-dancing.
Une affaire de famille
Solène Conraux, l’épouse du chef, représente la troisième génération de la famille fondatrice, les Becam. Sa grand-mère, Jeanne-Yvonne, a fondé l’adresse en 1952 et son père, Hervé, a repris le flambeau en 1975 pour en faire une étape gastronomique.
Solène et Nicolas Conraux sont à la tête de l’établissement depuis 2007. Après une rencontre en école d’hôtellerie à Strasbourg, le couple fait ses armes à La Butte où Nicolas occupe « quasiment tous les postes »… jusqu’à s’épanouir en cuisine. Autodidacte, il se verra auréolé d’une étoile Michelin en 2014. Aujourd’hui, on aperçoit parfois son fils Paul en salle ou à la réception, en train d’expérimenter chaque fonction pour, peut-être un jour, reprendre le flambeau.
Luxe, calme et volupté à La Butte
Un voyage à la pointe du Finistère est toujours une aventure hors du temps. Pour se rendre à La Butte, à Plouider, il faut emprunter un train jusqu’à Morlaix puis se laisser bercer par un taxi à travers la campagne puis le long d’un littoral préservé. Du balcon de chacune des 32 chambres de l’hôtel, on aperçoit la mer. Du restaurant, bistro ou encore de la terrasse équipée d’un brasero, on la devine. Ici, un maximum d’espace est vitré, ouvert sur les environs directs.
Après une extension réalisée il y a quelques années, La Butte opère depuis 2020 une remise à jour tout en discrétion. Sous la houlette de Laetitia Debeausse, accompagnatrice d’entreprises à impact positif, les espaces communs, chambres et le restaurant étoilé ont été revampés dans une décoration presque scandinave, tournée vers les matières douces et organiques. Bientôt, le spa et le bistro suivront.
Comme un écho à la tranquillité environnante, le silence berce les lieux. Il n’est pas total — une musique d’ambiance accompagne le visiteur et chacun est libre de s’exprimer, pardi ! — pourtant l’esprit est au calme dès lors que le seuil de l’entrée est franchi. La décoration y est pour beaucoup : son épure et ses teintes claires et naturelles n’agitent pas l’œil.
Dans la salle du restaurant gastronomique, le colorama s’inverse, invitant la pureté du noir à mettre en lumière les mets du chef Conraux. Ici aussi, les fourchettes résonnent plus que les voix, sans doute laissées muettes par un menu de haute volée particulièrement abordable compte tenu de son étoile (à partir de 89 €), concocté à partir d’ingrédients locaux.
Le spa, qui reste donc à être remodelé, tient une place à part entière dans cet écosystème de bien-être. Sa piscine à débordement offre une vue panoramique sur les champs voisins et la baie de Goulven ; son sauna couplé à une douche nordique sont idéaux pour recharger les batteries.
Une institution devenue un modèle bienfaisant
Faire une transition n’est jamais chose simple et la Butte en a vécu plus d’une. D’une direction à une autre, d’une époque à la suivante… Depuis 70 ans, l’adresse a revêtu de nombreux visages mais a toujours conservé la gastronomie comme point d’orgue, de la cuisine traditionnelle de Jeanne-Yvonne à celle de son fils, plus contemporaine, et, enfin, à celle du chef actuel, carrément avant-gardiste.
Depuis ses débuts en cuisine, Nicolas Conraux s’intéresse au bien-être par l’alimentation. A rebours des préceptes tendances qui proscriraient tel ou tel aliment, le chef prône l’assiette gourmande qui soigne sans qu’on s’en rende compte. Grâce à son jardin, attenant à l’hôtel, et à son laboratoire, il est en permanente recherche et expérimentation. Son dada, c’est la fermentation. Si chaque plat (ou presque) comporte une ou plusieurs sources fermentées, jamais vous ne l’entendrez mettre en avant ses procédés : « Les aliments fermentés sont bons dans tous les sens du terme et, pour autant, peuvent encore effrayer. Je préfère donc laisser mes convives apprécier leur moment et répondre à leurs questions s’ils en ont. »
Ce qu’on ne voit pas, ce sont les efforts mis en place par l’hôtel-restaurant pour réduire au maximum son impact écologique. Choix de marques locales pour les tenues du personnel, la décoration et les produits en chambre, l’absence de plastique (La Butte a obtenu la « Plastic Free Certification »), philosophie zéro déchet en cuisine… L’écosystème imaginé par les Conraux va plus loin, en imaginant un lieu de travail bienfaisant pour ses équipes, formées à la naturopathie et au savoir-être, une bienveillance qui se transmet naturellement aux clients.
> La Butte. 10 Rue de la Mer, 29260 Plouider. Réservations.