Les musées qui avaient fait le pari d’ouvrir en grande pompe en 2020 se sont trouvés fort dépourvus quand l’épidémie fut venue. La fondation Pinault à la Bourse du Commerce fait partie de ceux-là. Son inauguration a été annoncée en juin 2020, puis repoussée jusqu’à ce 22 mai 2021 où il a enfin pu ouvrir ses portes au public.
Un emplacement stratégique au cœur de la ville
Retour en arrière. En 2005, fâché par les lenteurs administratives, François Pinault claque la porte de Boulogne-Billancourt, où il avait prévu d’installer sa fondation sur l’île Seguin. Il s’exile finalement à Venise pour intégrer le Palazzo Grassi ainsi que la Pointe de la Douane. Mais l’homme d’affaires breton s’est depuis réconcilié avec Paris. En avril 2013, il annonce aux côtés d’Anne Hidalgo, la maire de la capitale, sa décision de s’installer dans la Bourse de commerce – un lieu stratégique au cœur de la ville, à deux pas des Halles –, pour y exposer une partie de son incroyable collection.
Pour ressusciter ce monument emblématique, il fait appel à son complice de longue date, Tadao Ando. Une première française pour le maître japonais, qui s’est pour l’occasion associé à l’agence NeM (Lucie Niney et Thibault Marca) et à Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques. Difficulté principale : installer des surfaces muséales adaptées à un bâtiment circulaire, en partie classé. « En hommage à la mémoire de la ville, gravée dans les murs de la Bourse de commerce, j’ai créé un nouvel espace. Il s’emboîte à l’intérieur de l’existant pour revitaliser l’ensemble du volume, qui sera voué à l’art contemporain. L’architecture comme trait d’union entre le passé, le présent et le futur », résume Tadao Ando.
« Concilier le respect des traditions et les exigences de la modernité »
Son cylindre en béton – matériau de prédilection – se glisse dans la rotonde existante. Haut de 9 mètres, se développant sur 29 mètres de diamètre, ce volume minéral abrite des espaces d’exposition flexibles, capables de s’adapter à la diversité et à la richesse de la collection Pinault. Le dispositif a effectivement l’immense mérite de préserver l’intégrité du bâtiment d’origine. Le cylindre est d’ailleurs déconnecté de la structure existante. Une manière d’assurer la réversibilité de l’intervention contemporaine qui pourrait en théorie être déconstruite.
« Tadao Ando a conçu un projet radical tout en suivant scrupuleusement les repères architecturaux et historiques de l’édifice. Encore une fois, il démontre sa capacité à concilier le respect des traditions et les exigences de la modernité », commente François Pinault. Le maître japonais n’est jamais aussi doué que lorsqu’il s’attèle à l’existant. Il faut bien avouer que l’architecture prend le visiteur aux tripes. Dès la porte franchie s’offre à voir le volume surmonté de sa majestueuse verrière. Cette rotonde est calibrée pour accueillir des œuvres monumentales sans toutefois être assignée à cet usage.
La Bourse du Commerce
Elle fonctionne également comme une place publique au sein du musée, qui souhaite être dans une dynamique permanente. À rebours des lieux standardisés de l’art, ce bâtiment palimpseste offre dix espaces d’exposition différents et se veut donc celui de tous les possibles. Dans ce projet, rien n’est laissé au hasard. L’aménagement intérieur ainsi que le mobilier urbain aux abords de l’édifice ont été confiés à Ronan et Erwan Bouroullec.
Au troisième niveau, les chefs aveyronnais Michel et Sébastien Bras sont à la tête du restaurant La Halle aux grains, qui propose une cuisine inspirée par l’histoire de l’édifice, dédié au négoce des céréales et légumineuses. L’heure est venue pour la Bourse de commerce de faire sa place dans un écosystème culturel de voisinage dense, entre le Centre Pompidou et le musée du Louvre.
> Bourse de commerce, Pinault collection. 2, rue de Viarmes, 75001 Paris. Tél. : 01 55 04 60 60.