La beauté chaotique de Claude Lévêque s’expose à Saint-Nazaire

À Saint-Nazaire, l’un des artistes majeurs de notre époque investit, avec ses oeuvres in situ, le centre d’art contemporain de la ville portuaire de l’Ouest. Et fait vivre aux visiteurs une série d’émotions intenses et contradictoires.

Des flashs et des crépitements… L’expérience proposée par Claude Lévêque est totale, visuelle et sonore à la fois. Déambulant dans l’immensité de cette ancienne base sous-marine, le visiteur est frappé de stupeur. Il slalome d’un pas hésitant dans l’obscurité, ébloui par les éclairs lancés par des dizaines de projecteurs stroboscopiques qui déversent leurs lumières clignotantes sur sept statues composées de tiges métalliques posées –voire écrasées, comme un mikado– sur le sol bétonné.

Dans l’antre de cette ancienne base allemande de construction de sous-marins de la Seconde Guerre mondiale, « Human Fly » (2019) procure au spectateur des sentiments d’insécurité autant que de… solidarité.
Dans l’antre de cette ancienne base allemande de construction de sous-marins de la Seconde Guerre mondiale, « Human Fly » (2019) procure au spectateur des sentiments d’insécurité autant que de… solidarité. (c)Marc Domage

Le trouble est tel que le spectateur a l’illusion d’être suivi par ces pièces statiques, à la manière des sculptures en mouvement de l’Américain Robert Breer (telle Osaka I, rebaptisée « La Chair de poule » par l’artiste) qui se déplacent de quelques centimètres par minute. Sa vision est altérée, exactement comme celle de la mouche de Human Fly –une chanson des Cramps, groupe de rockabilly américain ayant connu son heure de gloire dans les années 80–, qui donne son titre à cette installation.

« Human Fly », Claude Lévêque (2019).
« Human Fly », Claude Lévêque (2019). (c)Marc Domage

Il est aisé de frôler ces sept amas scintillants en imaginant l’attaque d’araignées géantes ou le ballet des hélicoptères d’Apocalypse Now, film culte de Francis Ford Coppola (1979), s’apprêtant à bombarder un village du Vietnam. Créée in situ, cette oeuvre est inspirée par l’histoire du monument qui l’accueille, dont le toit est surplombé d’une dalle de 8 mètres d’épaisseur aménagée en chambres d’éclatement chargées d’absorber la puissance des obus et d’empêcher la destruction de l’abri.

« Human Fly », Claude Lévêque (2019).
« Human Fly », Claude Lévêque (2019). (c)Marc Domage

Renforçant la sensation d’insécurité, une boucle musicale enregistrée par Claude Lévêque lui-même –avec un boulon tournoyant dans un plat en Inox– impose son staccato industriel. Pourtant, le plasticien n’hésite pas à comparer ce dispositif spectaculaire à « un paysage formé de bouquets ». Et, s’il est vrai que du chaos naît la beauté, de cet agencement de tuyaux jetés en vrac émane aussi un sentiment de solidarité. En effet, les colliers qui soudent ces barres les unes aux autres, toutes différentes en raison de leur longueur, symbolisent le lien qui les empêche de s’affaisser et les maintient ensemble.

« Human Fly », Claude Lévêque (2019).
« Human Fly », Claude Lévêque (2019). (c)Marc Domage

> « Claude Lévêque, Human Fly », au LiFE, (base des sous-marins, alvéole 14), Saint-Nazaire (44), jusqu’au 29 septembre. Tél. : 02 44 73 44 00.
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