Interview : Les 3 lauréats de la Design Parade de Toulon

IDEAT donne la parole aux trois lauréats du festival d’architecture intérieure Design Parade Toulon, imaginé par la Villa Noailles.

Depuis 2016, les dix finalistes en compétition pour le concours de Design Parade Toulon proposent leur interprétation d’un thème soulignant l’importance de l’approche contextuelle : « Une pièce à vivre dans une maison au bord de la Méditerranée. » Une opportunité rare pour ces jeunes architectes d’intérieur de développer un projet à l’échelle 1, d’explorer des savoir-faire régionaux et de partager avec un public de professionnels comme d’amateurs le résultat d’une recherche qui évite avec brio les clichés.

Les lauréats du Design Parade Toulon 

Il est enthousiasmant de voir avec quelle aisance cette génération Instagram joue avec conviction la carte du croisement d’expertises – la majorité d’entre eux crée d’ailleurs en duos – et collabore passionnément avec des entreprises et des artisans locaux. En cette année à nulle autre pareille, il est évidemment essentiel de constater combien leurs projets sont centrés autour de notions vitales telles que la convivialité, l’art de la réflexion, la méditation et la sensibilité tactile, mais aussi à quel point ils révèlent un intérêt commun pour la culture. IDEAT vous livre les interviews des trois vainqueurs de cette édition 2021…

1/ Edgar Jayet et Victor Fleury (Grand Prix Design Parade Toulon Van Cleef & Arpels)

Votre projet ?
Une pièce habitée par l’ombre et le vent. Empreinte des mots d’Albert Camus, c’est une ode à la sieste, seule occupation possible pour passer la touffeur du jour.

En quoi le thème vous a-t-il été utile ?
Le thème est essentiel. Il contraint l’imaginaire et le circonscrit. Nous l’avons considéré comme une interrogation, à laquelle nous avons répondu par la fraîcheur.

Vos sources d’inspiration ?
La pièce est un agrégat de sensations. Elle a été dessinée en pensant à notre dernière sieste, au souvenir du vent, au toucher d’une pierre froide en écoutant bourdonner une mouche, à la respiration lente de nos aînés quand ils nous racontent des histoires. Ces récits familiaux d’une vie de l’autre côté de la Méditerranée, enrichis des écrits de Camus, font ici projet.

L’approche contextuelle est-elle importante ?
Primordiale. Les matériaux sont au service des sensations que l’on a éprouvées lors de nos passages dans la région. Ils sont les vrais conteurs de l’histoire de notre proposition.

Qui de la dimension narrative ?
C’est une notion indissociable du projet. Une habitude prise d’associer le processus créatif à un texte. Traduire des mots sous la forme d’un espace permet d’ancrer le dessein, de lui conférer plus de densité.

A Benidor d’Edgar Jayet & Victor Fleury, Grand Prix Design Parade Toulon Van Cleef & Arpels et Mention Spéciale Eyes on Talents x Frame.
A Benidor d’Edgar Jayet & Victor Fleury, Grand Prix Design Parade Toulon Van Cleef & Arpels et Mention Spéciale Eyes on Talents x Frame. Adel Fecih

2/ Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine (Prix du public de la ville de Toulon)

Votre projet ?
Une terrasse – qui est à la fois une pièce en plus, prolongeant un intérieur, et une transition entre maison et jardin – où l’on savoure l’amitié quand la chaleur devient fraîcheur. Cet espace fantasmé de l’été s’articule  autour d’un parasol gigantesque naissant d’une table gargantuesque.

En quoi le thème vous a-t-il été utile ?
La Villa Noailles, de Robert Mallet-Stevens, nous a incités à nous interroger sur ce que pourrait être une maison au bord de la Méditerranée, sans être nécessairement les pieds dans l’eau. Nous souhaitions quitter ce bord de mer pour rentrer dans les terres et évoquer l’art de vivre en Provence.

Vos sources d’inspiration ?
Notre nostalgie ensoleillée, les livres de Marcel Pagnol, les places de villages provençaux, des films comme La Piscine ou Call Me by Your Name et les photos de Slim Aarons (photographe américain, qui s’est intéressé à la jet-set, des années 50 aux années 70, NDLR).

L’approche contextuelle est-elle importante ?
L’architecture doit interroger l’existant, écouter son histoire et inscrire un projet avec justesse dans son temps et son site. La beauté du geste artisanal offre une réponse architecturale d’autant plus humaine.

Quid de la dimension narrative ?
Les souvenirs personnels contribuent à créer une histoire commune.

Mirage de Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine. Prix Visual Merchandising décerné par Chanel et Prix du public de la ville de Toulon.
Mirage de Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine. Prix Visual Merchandising décerné par Chanel et Prix du public de la ville de Toulon. Luc Bertrand

3/ Clémence Plumelet et Geoffrey Pascal (Prix Mobilier National)

Votre projet ?
L’écrin asséché d’une piscine d’un autre temps laisse place à un séjour où la détente est le maître mot. Entre souvenirs de la Riviera d’hier et projection d’une villa du Sud idéalisée, Folle Envie est notre interprétation du pool bar (bar de piscine) d’intérieur : un bassin frais aux meubles flottants tapissés d’éponge, inspirés des matelas et bouées gonflables.

En quoi le thème vous a-t-il été utile ?
Ce thème a suscité notre enthousiasme. Nous avons plongé dans un environnement qui ne nous était pas familier pour imaginer un espace inattendu, que nous n’aurions pas conçu ailleurs. C’est lorsqu’il y a des barrières que l’on souhaite s’en affranchir, jouer avec les limites et, pour cela, muscler notre créativité.

Vos sources d’inspiration ?
Le film La Piscine, la mise en scène des mobiliers outdoor de Gae Aulenti, le regard du photographe Slim Aarons sur la Riviera et l’approche « gonflée », au propre comme au figuré, des meubles de Quasar Khanh.

Quid de la dimension narrative ?
Nos profils combinés de designer d’objets et de designer textile nous poussent à démarrer un projet par la recherche d’un scénario, sur lequel se greffent une matière puis une forme, desquelles émerge la conception d’un écrin pour les accueillir, comme un agrandissement pas-à-pas de l’échelle de notre travail.

FOLLE ENVIE de Clémence Plumelet & Geoffrey Pascal. Prix Mobilier National.
FOLLE ENVIE de Clémence Plumelet & Geoffrey Pascal. Prix Mobilier National. Adel Fecih

> Les projets des 10 finalistes de Design Parade Toulon sont exposés jusqu’au 31 octobre 2021 à l’Ancien évêché. Renseignements sur villanoailles.fr