Comment s’est nouée votre collaboration avec La Grande-Motte ?
Nous nous sommes rencontrés dans le cadre des Puces du Design, dont nous assurons la direction artistique depuis un an. Lorsque La Grande-Motte a souhaité en lancer l’édition estivale (la première a eu lieu en juillet 2016, NDLR), nous y sommes descendus car nous savions que la ville souhaitait nous rencontrer…
Que représente la Grande-Motte pour vous ?
J’ai grandi à Nîmes et La Grande-Motte faisait partie des destinations les plus proches pour aller à la mer. J’en garde un souvenir d’enfance assez fascinant. J’ai souvent entendu des choses très négatives et caricaturales à son propos : le béton, les grands immeubles sur la plage, les Bidochons… mais j’en ai toujours parlé positivement. J’avais envie de faire vivre l’expérience Grande-Motte aux personnes de l’agence qui allaient travailler sur le projet. Nous sommes partis quatre jours à vingt, en immersion, pour réfléchir à ce que nous pourrions faire.
Comment vous êtes-vous imprégnés des lieux ?
Nous avons tout simplement essayé de vivre la station au quotidien, comme l’a pensée son architecte Jean Balladur (1924-2002). Nous avons circulé à vélo, nous avons tenté de rentrer dans un maximum d’immeubles et nous sommes montés sur le toit de la Grande Pyramide. Nous avons aussi rencontré des gens qui sont là depuis le début… tout en passant pas mal de temps sur la plage !
Qu’est-ce qui vous a plu sur place ?
Le fait que ce soit très vert et qu’on puisse tout faire à pied. C’est d’autant plus fou que cette station a été créée au moment de l’avènement de l’automobile ! J’aime le côté très inspiré de son architecture, que tout soit cohérent, cela donne l’impression d’être dans un ensemble. Plutôt que d’avoir loué une grande maison de vacances, on a l’impression d’avoir loué une station entière, d’avoir le village à soi. C’est très rare !
Pourquoi avoir dessiné des objets pour la plage ?
Sur place, nous avons rapidement eu envie d’intervenir sur la plage, un peu délaissée par Jean Balladur. Nous avons imaginé quelque chose de très identitaire. Plus qu’un hommage, nous avons prolongé l’œuvre de Balladur en faisant référence à ses bâtiments. Chez les 5.5, nous défendons un design hyper accessible. Nous aimons dessiner des objets du quotidien, pratiques, malins et qui s’adressent au plus grand nombre, plutôt qu’à des happy few ou des galeristes. Il fallait donc que ces pièces soient abordables (en terme de prix) et faciles à produire. Nous en avons esquissé une dizaine, dont des lunettes de soleil que nous réaliserons peut-être l’an prochain et des tongs.
Comment avez-vous travaillé pour créer cette série ?
Ce qu’on retient dans l’architecture de La Grande Motte, ce sont ces motifs qui constituent les modénatures (voir photo ci-dessous). Nous avions envie de jouer avec et nous nous sommes dit qu’il faudrait inventer des objets qui, par leur démultiplication sur la plage, créeraient eux-mêmes des motifs. La serviette en forme de rond tronqué reprend par exemple celui du bâtiment Le Provence. Nous avons ainsi repris les formes des vides pour recréer des pleins. Cette ville est pleine de contrastes, entre les quartiers masculins du Levant et féminins du Couchant, entre la nature et le béton, l’ombre et la lumière… Nous avons voulu ajouter un nouveau contraste avec ces objets, une sorte de ligne imaginaire définie par le front de mer, entre le négatif de la ville et le positif de la plage.
Cette série de pièces balnéaires n’est pas éditée, est-ce frustrant ?
Un peu, car il n’y a rien de plus excitant que de voir nos objets au quotidien, mais c’est une étape normale et je préfère que nous prenions le temps. Cette micro-série a été pensée pour être éditée en grande série. Lors des Puces du Design, elle sera présentée sur la plage avec une expo de vues aériennes des objets démultipliés, qui feront comprendre la genèse du projet. Ce sera la première confrontation avec le public, nous allons voir s’il y a une demande. Bien sûr, nous avons envie de leur donner vie au-delà de l’expo et nous aimerions qu’ils soient édités mais c’est rare qu’une ville édite des objets. Soit elle le fera sous sa marque LGM by, soit un éditeur comme Fermob, par exemple, souhaitera sortir la petite table comme il l’a fait avec les chaises du jardin du Luxembourg.
Avec ce projet Design à la plage, vous évoquez le concept de « Land design »…
Nous travaillons en effet beaucoup avec la nature. Par exemple, le soleil projette des motifs sur le sable en passant à travers la toile du parasol « Pyramide de plage » perforée des formes des modénatures, recréant ainsi une sorte de canopée-résille. Nous utilisons ainsi le sol pour créer un effet graphique. Le sable aussi nous sert à planter le transat (« Dossier Acapulco ») ou la petite table en métal (« Grand Mottois »). Ces objets ont une fonction mais ils interagissent aussi avec l’environnement in situ.
Votre rêve ?
Que ces objets balnéaires touchent le plus grand nombre et que demain, ils aient une vie sur la plage, qu’on les trouve dans les boutiques locales et pourquoi pas qu’ils s’exportent pour promouvoir le lifestyle La Grande-Motte. S’ils deviennent la carte postale de la station, cela voudra dire que nous avons réussi à créer un monument contemporain dans la ville !
Les Puces du Design et Design à la Plage, du 29 juin au 2 juillet, Plage du Point Zéro, 705 allée de la plage, 34280 La Grande-Motte.
https://www.5-5designstudio.com/
https://www.pucesdudesign.com/la-grande-motte/