Que rapportez-vous de vos voyages ?
Claus Sendlinger : Pratiquement plus rien. Je ne suis plus un chasseur de souvenirs. J’essaie au contraire de me séparer des choses. Le dernier objet que j’ai rapporté, c’était une théière très lourde, peu pratique à transporter depuis Tokyo. Mais je suis un grand buveur de thé vert, alors…
Le voyage est-il toujours une source d’inspiration pour vous ?
(Il montre sa tête du doigt.) Cette vidéo fonctionne toujours et filme tout ce qui la captive. Elle ne s’arrête jamais. Tout est source d’inspiration. Cette année, je suis allé à un festival soufi (le World Sacred Spirit Festival) à Jodhpur, en Inde. C’était sublime. Je m’intéresse beaucoup à la musique, au mélange entre électro et rythmes indigènes. À La Granja (l’hôtel qu’il a ouvert à Ibiza en 2016) et dans mes nouveaux projets, nous mettons un accent particulier sur la musique. Le folklore comme l’artisanat vont être de plus en plus importants. Ils sont infiniment inspirants. Plus la société tendra vers la technologie et plus on en aura besoin. Ces pratiques vont renaître.
Votre dernier choc émotionnel ?
Ce festival de musique soufie au Rajasthan, avec l’exceptionnel artiste Ustad Shujaat Khan. J’ai aussi été ému lors d’une retraite. En pleine méditation, une femme assise à côté de moi s’est mise à chanter. Je me suis demandé : « Mais que fait-elle ? » C’était sublime. Cette femme, c’était la chanteuse d’opéra franco-iranienne Ariana Vafadari, qui chante des ballades en vieux persan.
La ville où vous aimeriez retourner ?
Tokyo me fascine. J’y suis allé plusieurs fois, mais beaucoup moins que dans certaines autres villes. C’est une destination inspirante à 100 %. Les Japonais ne font rien sans raison.
La ville que vous rêvez de découvrir ?
Tbilissi, en Géorgie, dans le Caucase. Nous allons d’ailleurs y organiser notre réunion annuelle Design Hotels, en septembre. Il y a déjà trois de nos établissements là-bas, et leurs propriétaires sont étonnants.
Un lieu où aller en amoureux ?
L’écolodge Adrère Amellal, dans l’oasis de Siwa, en Égypte. Un lieu qui a l’air très intéressant et que j’aimerais bientôt découvrir.
La plus belle chambre d’hôtel ?
Le penthouse du Greenwich Hotel de New York. Le design y est signé Axel Vervoordt pour Robert De Niro.
La plus belle vue d’hôtel ?
Le bar de l’Upper House, à Hongkong. Il a un côté Blade Runner, c’est complètement fou.
Un restaurant préféré ?
Le 893 Ryotei, un restaurant japonais de Berlin. Mais il est difficile d’y obtenir une table.
Que n’appréciez-vous pas dans un hôtel ?
La standardisation. Je n’aime pas non plus quand les gens font semblant d’être attentionnés alors qu’ils ne le sont pas. Mais je m’arrange avec beaucoup de choses qui me dérangent.
L’impact des réseaux sociaux sur l’hôtellerie ?
Selon moi, cela ne va pas durer. Je ne crois pas qu’un bouton « like » provoque quoi que ce soit. À La Granja, nous ne sommes pas sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, nous y réfléchissons mais, si on le fait, ce sera sans doute pour mettre en avant les fermiers de la région, avec lesquels nous travaillons.
L’hôtel que vous aimeriez ouvrir ?
La Granja, à Ibiza, qui est déjà ouvert ! Plus qu’un hôtel, c’est une philosophie. L’idée était d’avoir une ferme et de servir une bonne cause en travaillant notamment avec des fermiers bio. C’est un lieu avec un but. Mes futurs projets sont liés à la question du pourquoi et auront, je l’espère, un impact sur la vie de nos hôtes, d’un point de vue éducatif (via la nutrition) comme intellectuel. Aujourd’hui, je pense que le nom d’un hôtel ou le nombre de mètres carrés d’une chambre ne suffisent plus. Peu importent les codes s’il y a un objectif derrière. C’est nouveau. Les boutique-hôtels sont apparus à la fin des années 80 car il y avait un réel besoin d’expériences non standardisées haut de gamme. Maintenant, n’importe qui peut en construire un sans forcément être porteur de sens. S’ils tiennent la route au niveau esthétique, ces établissements sont gérés comme les grands groupes hôteliers d’hier. Les boutique-hôtels ont perdu leur identité en se généralisant. Chez Design Hotels, notre philosophie a toujours été de choisir des endroits uniques, avec une singularité qui tient à la personnalité de leurs propriétaires et qui fait la différence.
Quel designer pour dessiner votre maison ?
Le Belge Vincent Van Duysen. J’aime beaucoup son travail. Je l’ai vu cette semaine et nous sommes en discussion pour mon nouveau projet à Lisbonne. Il devrait y avoir trois maisons pour un hôtel et une autre, plus humble, où j’aimerais habiter.