Ils s’appellent Tediber, Emma, Eve, Bruno, Albert ou Casper… Et veulent être votre ami, non pas pour la vie… mais pour vos nuits ! Ce futur copain ou copine est en réalité une marque « bed in a box » (lit dans une boîte). Comprenez, un matelas vendu sur Internet, livré à domicile compressé dans un carton. Apparue en France il y a trois ans, l’offre vient des États-Unis… et cartonne !
« Tuft & Needle a créé le concept et a été suivie par d’autres start-up, explique Julien Sylvain, cofondateur et patron de la française Tediber. Certaines sont ensuite arrivées en Europe, aux côtés de marques comme l’anglaise Eve ou l’allemande Emma. Tediber a été la première dans l’Hexagone, en novembre 2015. Aujourd’hui, le secteur représente environ 5 % du marché français du matelas, estimé à quelque 1,2 milliard d’euros. »
« Le marché européen est porteur, mais la concurrence est rude, indique Constantin Eis, cofondateur et l’un des dirigeants de Casper, une marque allemande. Nous construisons une histoire à long terme. Nous démarchons un pays après l’autre, à la suite d’une étude des besoins pour adapter nos matelas à chaque marché. » Qui en a acheté un en magasin sait combien il est difficile de choisir parmi ces rectangles blancs. Avec de nouveaux acteurs, tout le système est remis à plat et simplifié, les intermédiaires supprimés pour compresser les coûts. Leur offre est réduite à un ou deux modèles.
Le secret : un matelas aux multiples couches de mousses (latex à mémoire de forme, haute résilience), qui doit répondre au confort du plus grand nombre. Choisissez la dimension et le tour est joué. La livraison s’effectue parfois dans la journée (à Paris), le matelas roulé et comprimé sous vide dans une boîte. C’est simple, efficace, et si, malgré tout, le produit ne séduisait pas, aucun souci : toutes les marques proposent un essai à domicile de cent nuits, voire plus, et une reprise sur place, totalement gratuite.
Avec un discours hyperdécontracté et hypermarketé, ces start-up surfent sur l’esprit communautaire, comme en témoignent leurs sites et réseaux sociaux, principaux vecteurs de communication. Leur cible serait-elle donc la jeune génération fan des youtubeurs et autres instagrammeurs ? Pas tout à fait. Chez Tulo, la marque lancée en avril 2018 par Conforama, « la clientèle est plutôt urbaine, CSP+, dans la tranche 30-40 ans », indique Stanislas Conseiller, directeur du développement et des activités nouvelles du géant de l’aménagement. « Les clients de Tediber ne sont qu’à 20 % originaires d’Île-de-France et se situent dans une tranche allant de 30 à 65 ans », indique pour sa part Julien Sylvain.
Dans la majorité des cas, un bed in a box en 140 x 190 cm coûte 650 euros, contre 300 euros en général pour un matelas de gamme moyenne, et de 700 à 1 500 euros pour un modèle haut de gamme. Conclusion : ces offres visent davantage le renouvellement que le premier achat, les gens installés et soucieux d’un certain confort que les étudiants ou les jeunes ménages. Sommeil… paradoxal ! Le hic, c’est qu’avec la concurrence, choisir son matelas sur Internet devient aussi difficile qu’en boutique. Rien finalement ne ressemble plus à un bed in a box qu’un autre…
Chacun réfléchit donc à une façon de sortir du lot. Et là se fait jour un paradoxe, puisque le bed in a box se vend désormais… en magasin ! Emma est représentée chez Grand Litier, Eve chez But, Albert chez La Compagnie du lit, qui en est la créatrice. « Exposer bientôt nos matelas dans une vingtaine de magasins Mon lit et moi nous permet de toucher une clientèle qui n’est pas habituée à l’achat sur Internet et qu’un modèle Tulo, proposé avec trois niveaux de confort, peut séduire », estime Stanislas Conseiller, de Conforama. La marque Tediber vient quant à elle d’ouvrir La Boîte de nuit by Tediber, son concept-store en plein coeur de Paris.
Autre possibilité pour faire la différence : la diversification. Après trois matelas, un lit pour chien, des draps, des coussins et des oreillers, Casper planche dans son laboratoire de San Francisco : « Nous proposerons des accessoires et étudions aussi des solutions autour du mobilier et des objets connectés, explique Jeff Chapin, cofondateur et chef de produit. Nous prenons le temps ; pour nos matelas, il nous a fallu dix-huit mois de recherche et de travail avec des clients testeurs aux États-Unis et en Europe… Cela nous a permis d’adapter nos matelas pour non seulement satisfaire un besoin élémentaire, le sommeil, mais encore essayer de l’améliorer… »