Pourquoi on adore Ingo Maurer en 10 lampes cultes

Ingo Maurer (1932-2019) est l'un des maîtres allemands qui a influencé le monde de la création bien au-delà des frontières de son pays. Focus sur 10 créations de ses plus de cinquante ans de carrière.

Ingo Maurer était le maître du bon design avec fonctionnement, esthétique et éthique définis par lui-même en dix points. Pourquoi lui ? Parce qu’il suggèrait spontanément, par ses prises de risques, l’éternel renouveau. Un peu comme un printemps qu’on en peut plus d’attendre. C’est d’ailleurs la saison où l’on boit en terrasse des Campari, boisson avec les bouteilles à partir desquelles Ingo Maurer faisait des lampes.

10. Blow me up (2017)

« Blow me up », 2017.
« Blow me up », 2017. Ingo Maurer

Blow me up (2017) est une barre lumineuse gonflable. Pas besoin de perceuse, elle se pose partout, jusque dans un van, adaptateur oblige. Livrée enroulée dans sa boîte, il ne reste qu’à la gonfler soi-même. Ne pas jouer non plus à Star Wars avec en camping. Un ruban LED intégrant un interrupteur à capteur permet d’illuminer la partie réfléchissante de ce tuyau de lumière de façon à éclairer la pièce d’une lumière indirecte. Très jeune, Philippe Starck, se formant chez Pierre Cardin designer, avait travaillé sur des lustres gonflables, un peu comme des couvertures de survie. Dans les deux cas, c’est l’irruption du jamais vu.

9. Yoruba (2017)

« Yoruba », 2017.
« Yoruba », 2017. Ingo Maurer

Ingo Maurer et son équipe, avec Dagmar Mombachs, spécialiste du papier, ont matérialisé tous ensemble sa Yoruba rose (2017). On est déjà comme souvent chez lui, plus dans l’objet lumineux que dans le luminaire classique. Là on est en face d’une feuille de papier qui s’étend en arc circulaire autour de filins métalliques jusqu’à former une sorte d’hybride entre la fleur et le plissé Miyake. Un module LED spécial avec dissipateur de chaleur se cache à l’intérieur. Si Ingo Maurer a d’abord étudié la typographie puis travaillé dans le secteur du graphisme aux États-Unis dans les années 60, il est toujours resté très exigeant sur la technique.

8. Ringelpiez (2016)

« Ringelpiez », 2016.
« Ringelpiez », 2016. Ingo Maurer

Ringelpiez est à la base un anneau sur une tige en fibre de carbone. Il se décline en lampe à poser, en applique ou en suspension. Ingo Maurer a conçu pour cette collection un abat-jour plissé, baptisé Frivoloso. Il répartit la lumière et évite l’éblouissement des yeux. Quand on lui parle d’abat-jour, Ingo Maurer plaisante en insistant sur ce coté qui abat le jour. Lui, est un amoureux, non pas de la lumière mais plus précisément de l’ampoule et de sa forme très simple. Quelques semaines après le salon en 2016, l’hôtel Unique de Sao Paulo en commandait cinq en version « Flying Disc ».

7. Flatterby (2016)

« Flatterby », 2016.
« Flatterby », 2016. Ingo Maurer

Flatterby, petit poème lumineux n’existe depuis sa création en 2016 qu’à 200 exemplaires. Les papillons, cela marche toujours, rien que d’entendre la musique de leur nom, wetterling en allemand, mariposa en espagnol, butterfly en anglais, la langue importe peu. Chaque insecte virevoltant autour de l’ampoule a été fait à la main. C’est Ingo Maurer lui-même qui a choisi les espèces reproduites. Chaque numéro de série est gravé dans l’anneau de recouvrement du bulbe de l’ampoule. Pour arriver à cela, les techno artisans de l’atelier utilisent une technologie en 3D d’agglomération par frittage.

6. Luccellino (1992)

« Luccellino », 1992.
« Luccellino », 1992. Ingo Maurer

1992, quand la lampe Lucellino apparait sur la scène du design parisien, même les professionnels sont partagés. Dans les rédactions, on se demande surtout si ce sont de vrais plumes. Certaines reçues en cadeau, disparaissent. L’intérêt est certain. En même temps, Maurer a plus souvent été pris pour un poète que pour un excentrique. On se rendait compte que tout ce qu’il faisait, reposait sur des agencements parfois inouïs, toujours précis. Lucellino, le petit oiseau de lumière, est devenu le best-seller et le totem de la maison d’édition d’Ingo Maurer, un des rares designers de cette stature à être à la tête, uniquement, de son propre grand label. Évolution oblige, Lucellino, comme ses déclinaisons, est passé au LED.

5. Campari (2002)

« Campari », 2002.
« Campari », 2002. Ingo Maurer

On croit toujours que les lampes les plus originales ne sont vouées qu’à saturer l’espace d’appartements décorés dans l’esprit white cube pour conforter leur statut de crypto œuvre d’art. L’analyse est rapide, frôlant la médisance. Dans la maison parisienne du compositeur français de musique électroacoustique Pierre Henry, c’était une surprise de voir la lampe Campari d’Ingo Maurer en suspension, et de voir comment elle était tout à fait raccord à l’accumulation d’objets sensibles autour, frisant le bric à brac de caractère. Tout, lampe de Maurer compris, racontait une histoire. A l’atelier, on remplace le Campari par une autre liqueur quand la lampe est multicolore.

4. Porca Misera (1994)

« Porca Misera », 1994.
« Porca Misera », 1994. Ingo Maurer

Porca Miseria, c’est le côté intello couture d’Ingo Maurer. Quand il la présente en 1994 au salon de Milan, Le designer israélien Ron Arad en tombe raide dingue. Il la veut et tout de suite. Ingo Maurer, peut-être épuisé par le rush de Milan, ne se sent pas de lui refuser l’achat de ce qui est après tout son exemplaire numéro un. Il n’existe qu’en pièces uniques, réalisées sur commande. Maurer était fasciné par les explosions notamment celles du film Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. Elles avaient lieu dans la vallée de la Mort qu’il aime beaucoup. De plus, il en avait assez du côté grand genre des lustres traditionnels. Il lui fallait faire émerger autre chose. Et puis, devant la montée de l’extrême droite, il avait envie de symboliser l’envie de démarrer une contre-attaque aussi énergique que différente. Les lampes de Maurer n’éclairent pas que les salons.

3. Oh Mei Ma Kabi (2005)

« Oh Mei Ma Kabi », 2005.
« Oh Mei Ma Kabi », 2005. Ingo Maurer

Depuis 2005, Oh Mei Ma Kabi reste l’une des plus belles et paisibles lampes d’Ingo Maurer. Elle donne envie d’utiliser le terme classique d’appareils d’éclairage. Il en trône une sublime sous le plafond du CID-Grand Hornu en Belgique. Comme une grande feuille d’or ou d’argent qui plane au-dessus de nos têtes. Ce lustre du troisième type a même tapé dans l’œil du styliste Karl Lagerfeld qui l’a photographié et l’avait installé il y a longtemps dans l’un de ses intérieurs. Du métal, des feuilles d’aluminium, mais ce n’est pas tout. Il y a toujours de l’ingénierie dans le génie de Maurer.

One from the heart (1989)

« One from the heart », 1989.
« One from the heart », 1989. Ingo Maurer

One from the heart, luminaire de 1989, fait passer Ingo Maurer pour un pur esprit. Pourtant son inspiration ne vient pas du ciel. Dans la perspective d’un mariage franco-brésilien dans un château en Bourgogne, Ingo Maurer, comme tout le monde, cherchait le cadeau fort. Contrairement à la plupart des gens dans ce cas-là, il l’a fait lui-même. Une ampoule halogène, un réflecteur etc… et au final, un cœur en suspension on ne peut plus symbolique et lisible au point de devenir un produit. C’est tout à fait Ingo Maurer, un inspiré, un poète, un magicien mais qui sait aussi très bien intervenir pour enchanter la lumière d’une gare ou d’un grand magasin.

1. Bulb (1966)

« Bulb », 1966.
« Bulb », 1966. Ingo Maurer

Au commencement était le bulbe. 1966, Ingo Maurer, dessine sur son lit d’une petite pension de Venise. Il est fasciné par la forme de l’ampoule au plafond. Il dessine et finit par faire éditer la forme en verre par des verriers locaux. Il revient à Munich pour la base métallique. Bulb sera le produit qui fera sortir Ingo Maurer de l’anonymat du designer de Kaiserstrasse. Lui qui avait déjà eu une vie de typographe dans des agences de publicité aux États-Unis n’était pas un vrai débutant. Aujourd’hui il ne donne même pas l’impression d’être en fin de carrière.

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