Chez l’éditeur allemand Thonet, le centenaire du Bauhaus est l’occasion de remettre en avant le fauteuil S 533 F, de Ludwig Mies van der Rohe, qui fut le dernier directeur de l’institution. Plutôt que de jouer les gardiens du temple, l’éditeur historique a donc demandé à deux jeunes designers allemands, Eva Marguerre et Walter Besau, d’en réaliser une édition spéciale. Le fameux portrait de Mies van der Rohe assis, fumant le cigare, le corps ne laissant apparaître que la courbe en acier tubulaire du piétement en porte-à-faux du siège, n’a rendu célèbre que la chaise.
Le duo de designers sollicité devait innover en respectant le travail d’un maître du Bauhaus. Comment faire ? Rester simple ! D’abord, le piétement luge en tubes d’acier devient nacré ou chromé, couleur champagne. Ensuite, le modèle nacré a été associé à du cuir anthracite et le chromé, à de la peau rose tendre. De prime abord, ce n’est pas une révolution. Pourtant, à la vue et au toucher, on se défait du préjugé qui associe le design du Bauhaus à une certaine « froideur ».
Eva Marguerre l’affirme sans détour : « Nous avons voulu créer un contraste en opposant la rationalité à la douceur. » Cette édition est limitée à 100 exemplaires pour chaque version. Avec le temps, peut-être deviendront-ils une rareté recherchée… Jusqu’à présent, en dehors du cannage, on ne connaissait ces sièges qu’habillés de cuir noir ou blanc. Cette édition spéciale rappelle ainsi que le Bauhaus n’est pas un corset de préceptes, mais plutôt un chapelet d’idées à interpréter ! L’école a fait de même au fil de ses déménagements, fuyant les critiques des conservateurs, le manque de crédits ou les bruits de bottes…
L’esprit qui en découle, lui, a survécu. Il s’est même répandu, grâce à l’exil de ses professeurs et de ses anciens étudiants dans le monde entier. Ce canevas d’idées, sur lequel toutes sortes de créateurs ont pu donner libre cours à leur imagination, souligne toute la singularité du Bauhaus : un mouvement dans lequel la modernité est toujours présente.