Si l’endroit impressionne par son casting haut de gamme, c’est toutefois la combinaison superlative des techniques, des savoir-faire et des artisanats mis en œuvre qui force le respect. Complexes ou simplement bruts, les matériaux choisis donnent leur identité propre à chacun des espaces : pierre taillée, variation de cuivres oxydés et de bois brûlé, torchis et enduits au naturel, béton banché, lin peint à la main ou encore acier noirci à chaud… sans oublier cette splendide « Forêt de bois de bout » (en bois debout) par Oscar Ono, plancher vernaculaire à la façon d’un atelier oublié. « Je suis le contraire d’un designer industriel », affirme Raphael Navot. Diplômé de la très cotée Design Academy d’Eindhoven (Pays-Bas), cet Israëlien sait mettre en adéquation fonction et émotion, aborde chaque plan d’un storytelling minutieux en sublimant la matière brute.
À l’instar de son mentor Li Edelkoort, son style défricheur et anticonformiste semble se nourrir d’une imagerie primitive. Trois ans durant, le National fut pour lui un fantastique champ d’expérimentation. Associé à l’expertise complémentaire de Daniel Vaniche (l’architecte et ingénieur à la tête de l’agence DVVD), le résultat se révèle détonnant dans un paysage hôtelier parisien pourtant largement prescripteur. Au creux du bâtiment, la double verrière qui s’ouvre sans bruit vers le ciel est un ouvrage d’ingénierie contemporaine qui fait tacitement écho aux avancées technologiques du XIXe siècle, décrites au musée des Arts et Métiers, de l’autre côté de la rue. Grandes amplitudes et circulations continues, les volumes ont gagné en fluidité, effaçant les nivellements pour mieux dilater les espaces.
Totalement ouvert, un sous-sol de 250 m2 promet de beaux événements privés dans ses courbes organiques qui s’évadent vers un escalier admirablement dessiné dans le marbre. Sauvegardé pour sa patine, un autre escalier qui monte dans les étages profite d’un recadrage et d’éclairages subtils. Le confort apporté aux 70 chambres, en une dizaine de typologies différentes, est pesé dans ses moindres détails tant dans la literie que dans le dessin du mobilier sur mesure.
Insolites, le terrazzo sert de console et le béton banché s’invite en tête de lit. C’est toutefois la notion environnementale qui inscrit le bâtiment dans une ère nouvelle. Pour respecter les normes strictes en la matière, un système de géothermie profonde a été privilégié. L’installation du pompage hydraulique assure ainsi un refroidissement autonome du réseau de climatisation. Une démarche vertueuse guidée par l’attention extrême au principe de durabilité. Investisseur avisé, Samy Marciano (et son Clé Group), déjà à l’origine de l’Hôtel Bachaumont après avoir fait une solide carrière dans le prêt-à-porter, a placé la barre très haut. On dit simplement : bravo !
Hôtel National des Arts et Métiers. 243, rue Saint-Martin, 75003 Paris.
Tél. : 01 80 97 22 80.
Chambre ou suite de 169 € à 1 749 €. Petit déjeuner, 15 €.