Etre au bon endroit au bon moment ; les designers qui ont collaboré avec Maddalena De Padova ont connu ce sentiment fort. Pour eux, être immergé dans un tel feu de création a fait de ce moment professionnel un carrefour de leur vie. Une designer aussi accomplie que Patricia Urquiola a plusieurs fois souligné en interview l’intensité de ses années de collaboration avec « Maddalena ».
Le courant est d’abord passé par le professeur de Patricia, l’architecte et designer Vico Magistretti (1920-2006). Cet élégant pilier du design italien (tout le monde l’est dans cette histoire !) collaborait étroitement avec la maison De Padova. Urquiola a travaillé avec lui chez eux avant de signer seule cinq projets. Mains dans les poches, lunettes noires, l’élégante éditrice vérifiait elle-même l’avancée des prototypes et leur conformité à l’esprit de sa maison.
On évoquera ses cheveux courts parce qu’ils rappelaient son appartenance à une génération d’Italiennes à qui cela n’a pas toujours été permis… Jeune femme, Maddalena de Padova a été hôtesse de l’air. Elle en a gardé l’idée du voyage qui enrichit culturellement voire qui émancipe. Plus tard, avec son mari Fernando, c’est lors d’un voyage en Europe du Nord que le couple décide d’importer du mobilier scandinave dans la Botte. Séduits ensuite par l’esprit de l’éditeur américain Herman Miller, ils obtiennent le droit de fabriquer en Italie la Wire Chair des Eames.
En 1967, son mari disparaît. Maddalena De Padova prend les rênes de l’entreprise qui va devenir plus tard E De Padova. A partir des eighties, l’ancien distributeur se fait éditeur et contribue à la modernité qu’il a introduite en Italie. La maison sollicite des designers italiens mais aussi étrangers. Ce sont les enfants De Padova, Luca et Valeria, qui sont aujourd’hui à la tête d’une entreprise faisant désormais partie de la sphère de Boffi depuis 2015. Néanmoins, il flotte toujours un mélange d’esprit scandinave et de modernité italienne sur les collections de De Padova. Avec certains modèles délicatement redessinés par le designer et architecte Piero Lissoni, la maison n’a aucune crainte s’agissant du respect de son ADN…
En Italie en général et dans le design en particulier, les relations entre les gens, donc le respect, c’est fondamental. Le designer belge Xavier Lust évoque une femme qui croit-il l’ « l’aimait bien ». Des années après, il semble encore agréablement surpris d’avoir pu travailler en direct avec Maddalena de Padova sur sa crédence bombée en aluminium devenue culte. On dit de Vico Magistretti qu’il appréciait le style shaker, ce mobilier en bois épuré conçu dans des communautés protestantes aux Etats-Unis. Il en reste toujours quelque chose chez De Padova, mais en version adoucie. Confort bourgeois ? « Aristocratique », nous corrige Piero Lissoni, « parce que les bourgeois cherchent toujours à prouver quelque chose ». Maddalena de Padova, elle, a préféré le faire.