1/ Michael Thonet (1796-1871)
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’Allemand Michael Thonet incarne le profil moderne de l’éditeur de design industriel. Ses fameuses chaises de bistrot en bois tourné s’expédient dans le monde entier, démontées et empilées en série dans des cubes d’un mètre de côté. À l’orée du XXe siècle, l’époque fait encore la part belle aux arts décoratifs en pleine ébullition. Mais dans leurs ateliers, créateurs et fabricants parlent de produire en masse uniquement des produits sérieux. Ébéniste allemand, il devient en Autriche le premier industriel du meuble. Au milieu du XIXe, ses chaises en bois courbé brevetées meublent les grands cafés. Il s’en vend jusqu’à 865 000 par an ! En 1859, la chaise N° 14 devient la première icône internationale, médiatisée par des catalogues et des affiches. Pionnier de la publicité moderne, Thonet édite l’un des sujets de l’impératrice Sissi, le Viennois Josef Hoffmann (1870-1956). L’industriel envisageait le design allemand sans frontières…
2/ Otto Blümel (1881-1973)
Né la même année que Picasso, Otto Blümel peignait autant qu’il dessinait. Il est de ceux qu’on redécouvre aujourd’hui grâce à la réédition, par l’éditeur allemand ClassiCon, de son porte-manteau Nymphenburg (1908), tout en laiton nickelé. Aérien et gracile, il prouve qu’un simple objet d’autrefois, arrivé dans les intérieurs contemporains onze ans avant l’ouverture du Bauhaus et dessiné par un professeur et directeur d’école d’art un peu oublié, peut demeurer un vecteur de modernité.
3/ Walter Gropius (1883-1969)
Architecte et premier directeur du Bauhaus en 1919, Gropius a eu une vie de héros de roman. Marié pendant cinq ans avec la musicienne Alma Mahler, il croise aussi bien son ex-mari, le compositeur Gustav Mahler, que le bon docteur Freud en médiateur. Dans le magnifique bureau de Walter Gropius au Bauhaus de Weimar, son fauteuil F51 (1920, Tecta) séduit toujours les visiteurs. Il faut dire que, dans la pièce, tout, des lampes au tapis, rappelle, là encore, la modernité du design allemand.
4/ Marianne Brandt (1893-1983)
Marianne Brandt reste dans l’histoire du design allemand la première femme à avoir dirigé un atelier au Bauhaus, celui du métal, alors que, malgré les promesses d’égalité des débuts, les femmes furent finalement cantonnées aux textiles (très beaux au demeurant)… Sa théière MBTK (1924), aujourd’hui éditée par Tecnolumen, montre bien par son absence d’ornement la radicalité d’un changement d’époque. C’est aussi en développant au Bauhaus un label semi-industriel que Brandt se révéla une pionnière.
5/ Marcel Breuer (1902- 1981)
Né en Hongrie, Marcel Breuer a fait ses humanités à Vienne avant de devenir une des gloires du design allemand. Le mobilier standardisé aux pieds en tube d’acier façon cadre de vélo, c’est lui ! Wassily (1925) est devenu une icône de l’éditeur Knoll. Il a été créé pour la maison du peintre Wassily Kandinsky au Bauhaus de Weimar. Esthétique au service du fonctionnel, c’est l’essence même du design…
6/ Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969)
La chauffeuse Barcelona (1929), dessinée par l’architecte qui fut aussi le dernier directeur du Bauhaus, est au design ce que le sac 2.55 de Chanel est à la mode : un inoxydable classique. Le pavillon d’exposition barcelonais pour lequel ce siège, édité par Knoll, a été créé est lui-même devenu culte. Même destin pour la maison Tugendhat, à Brno (République tchèque), dont Knoll édite toujours les fauteuils aux pieds en arc de métal. Quant au label Tecta, il édite les sièges D42 aux pieds d’acier aériens qui donnent l’impression de ne reposer sur rien.
7/ Eckart Muthesius (1904-1989)
Filleul de Charles Rennie Mackintosh, Eckart Muthesius a été élevé dans le Berlin de 1900 par des parents architectes et décorateurs. À 25 ans, il part bâtir en Inde Manik Bagh, le plus grand bâtiment Art déco du monde, résidence du maharadjah d’Indore, âgé de 25 ans comme lui. Le lieu utilise toute la technique moderne possible. Banu (1929), le tabouret de la coiffeuse de la maharani, édité aujourd’hui par ClassiCon, en restitue bien l’ambiance. Grâce à lui, on trouve encore aujourd’hui en Inde des chaises inspirées par le modernisme allemand.
8/ Hans (1890-1954) et Wassili (1889-1972) Luckhardt
Des deux frères architectes berlinois, c’est Hans l’auteur de la chaise S36, star du catalogue Thonet depuis 1931. Le maharadjah d’Indore en avait alors commandé des caisses pour son palais Art déco. L’histoire du design n’a pas encensé les frères Luckhardt, devenus ensuite adhérents du parti nazi, courant après les chantiers publics. La seule modernité qui perdure les concernant reste celle des vestiges de leur architecture et l’actualité d’une chaise.