Designer et architecte, aujourd’hui Harry Nuriev pousse plus loin la fusion entre mode et design à travers sa collection événement pour la Carpenters Workshop Gallery, présentée à Paris jusqu’à la fin du mois de mai. Rencontre dans son appartement-studio parisien.
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IDEAT : La mode et le design ont-ils beaucoup plus en commun que ce que l’on imagine ?
Harry Nuriev : Le mobilier qui nous entoure est une extension de notre identité. Par exemple, je ne vois pas la différence entre un sac à main ou un tote bag, qui contiennent nos effets personnels, avec un vide-poche, un bureau ou une étagère sur laquelle on pose ses livres ou son ordinateur.
IDEAT : Et la même capacité à nous représenter ?
Harry Nuriev : Nous ne nous habillons pas seulement pour nous couvrir, mais aussi pour communiquer ce que nous sommes. Même ceux qui détestent la mode l’expriment à travers leur façon de se vêtir. Je n’ai jamais dit que je « décorais » ou « meublais » un espace, mais que je l’« habillais ». Si nos vêtements traduisent notre personnalité, pourquoi pas notre mobilier ? Pour moi, le sofa beige est l’ultime déclaration du manque d’envie de personnaliser sa maison. Je suis toujours très étonné de découvrir des intérieurs de stars, d’acteurs ou de musiciens… qui, en apparence, ne leur correspondent absolument pas.
IDEAT : Quelle flexibilité le mobilier peut-il offrir pour être « personnalisé » ?
Harry Nuriev : Nous passons autant de temps avec notre mobilier qu’avec nos vêtements, nous devons donc nous les approprier de la même façon. L’idée n’est pas de copier littéralement le vêtement, mais d’être dans le même état d’esprit. Les meubles aisément déhoussables, dont on peut faire évoluer les revêtements, sont une possibilité
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IDEAT : Vous avez testé le denim dans votre propre intérieur. S’agissait-il uniquement de transférer un univers dans un autre ?
Harry Nuriev : J’ai toujours essayé de trouver un mot qui définirait ma pratique. N’en ayant pas trouvé, j’ai imaginé le néologisme « transformism » dont l’idée est de travailler avec l’histoire et le futur d’un objet, d’un matériau. Il y a tellement d’existant qu’il faut absolument l’utiliser pour créer des nouveautés.
Par exemple, dans mon salon, j’ai détourné de vieux écrans de télévision en miroirs. Le « transformism » est le nouveau luxe, car il est parfois plus long et plus coûteux de transformer que de fabriquer, eu égard au sofa que je viens de tapisser chez moi de deux mille carrés de denim découpés dans des vêtements que je portais auparavant…
IDEAT : Pourquoi avoir choisi le denim comme point de départ de votre collaboration avec la Carpenters Workshop Gallery ?
Harry Nuriev : Je l’ai choisi parce qu’il s’agit d’un matériau très actuel et très installé dans notre culture. Des générations d’utilisateurs ont prouvé qu’il s’agissait du textile le plus confortable. Plus il vieillit, plus on a plaisir à le porter. C’est aussi un matériau universel. Autant de raisons qui m’ont amené à l’exporter dans l’univers du mobilier de collection.
Cette exposition « Denim » (jusqu’au 13 mai, à Paris, NDLR) est une vraie collaboration entre la galerie et moi. Julien [Lombrail] et Loïc [Le Gaillard], ses fondateurs, m’ont apporté leur expertise du mobilier de collection et l’ont mise au service de mon écriture. J’ai imaginé un système d’assise modulaire selon lequel chaque élément peut vivre séparément ou être associé à d’autres pour constituer un ensemble.
IDEAT : Pourquoi un canapé et pas une collection ?
Harry Nuriev : Le canapé symbolise une façon de vivre très actuelle. Je l’ai imaginé comme un espace de réunion et de fête, comme une plate-forme sur laquelle on peut manger, regarder des séries, discuter, jouer aux cartes, travailler, faire une sieste et dont les proportions permettent de reconnecter les gens au sein du foyer et de se retrouver ensemble autour d’une activité. C’est un meuble décontracté, comme l’est le denim. Il y a une adéquation parfaite entre la forme, la modularité, l’usage et le revêtement.
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