Depuis Naples, on peut se rendre à Salina en bateau, qui appareille le soir et navigue toute la nuit. Aux premières lueurs du jour, l’île émerge telle une apparition. Formée par six anciens volcans, elle possède le relief le plus élevé de tout l’archipel, avec le Monte Fossa delle Felci, à 962 mètres, et le Monte dei Porri, à 860 mètres, d’où son nom antique, Didyme (jumeaux), tandis que son nom actuel est dérivé du petit lac – ancien marais salant – du village de Lingua. Si l’on est pressé, on peut embarquer sur un hydroptère (navire rapide dont la coque, munie d’ailes portantes, se soulève hors de l’eau à grande vitesse) depuis Milazzo, sur la côte nord-est de la Sicile, via l’aéroport de Catane. Mais, pour une première fois, il est préférable de profiter de la magie du voyage en bateau.
Singulières architectures
Trois unités administratives, Santa Marina Salina, Malfa et Leni, font partie de ce territoire marin dont l’histoire remonterait au Ve siècle avant Jésus-Christ. La découverte de vestiges archéologiques importants prouve que la civilisation et les modes de vie étaient à cette époque très sophistiqués. On peut en voir les traces aujourd’hui dans trois musées et dans le village préhistorique de Portella, situé à Santa Marina Salina. L’économie de l’île a atteint son apogée au milieu du XIXe siècle, lorsque les navires marchands exportaient des câpres et du vin de Malvasia vers le continent. Ce breuvage finit d’ailleurs par remplacer le marsala, alors très apprécié par la haute société napolitaine. Les bateaux retournaient sur l’île chargés de meubles et de carreaux de céramique peints à la main par des artisans napolitains, signes extérieurs de richesse pour les propriétaires locaux.
À la fin du XIXe siècle, l’arrivée du phylloxéra (maladie de la vigne causée par un insecte) détruira les cépages et mettra un terme à la prospérité de Salina, poussant les habitants à émigrer vers les États-Unis et l’Australie notamment, où il existe encore aujourd’hui des communautés originaires des îles Éoliennes. Durant cette période, la population a considérablement diminué et de nombreuses maisons ont été abandonnées…
C’est grâce aux carnets abondamment illustrés de Louis-Salvator d’Autriche (1847-1915), un cousin de l’empereur François-Joseph Ier, qui a séjourné sur l’île pendant une longue période, que des informations sur l’architecture insulaire ont été répertoriées. Cette connaissance stylistique et le bon état de conservation de nombreuses bâtisses ont permis de préserver la personnalité de Salina.
Une « île verte » propice aux excursions
Depuis les années 80, le tourisme, grâce à la construction d’un port de plaisance à Santa Marina Salina, est devenu une ressource importante. Aujourd’hui, l’île compte des hôtels haut de gamme, d’agréables villas à louer et quelques chambres d’hôtes. Quant à la cuisine régionale à base de produits locaux et d’huile d’olive extra-vierge, elle est davantage influencée par la gastronomie grecque que sicilienne. On déguste ainsi, en plus du poisson et des fruits de mer, des câpres, des citrons, de la ricotta et des fruits confits.
Appelée aussi « l’île verte », parce qu’en toute saison le paysage est incroyablement luxuriant (chênes verts, mélèzes, aulnes, châtaigniers, orangers, citronniers, jasmins, câpriers, bruyères blanches et roses…), Salina est une destination propice aux promenades et aux excursions. Michele Merenda, philosophe et grand marcheur, accompagne d’ailleurs ses hôtes au Monte Fossa, à la Vallespina, aux grottes sarrasines et, surtout, à la Pietra che Suona (la pierre qui sonne). Il est facile d’être intarissable sur Salina, mais à chaque visiteur d’inventer son histoire.