Au showroom parisien de l’éditeur italien Zanotta, on peut s’alanguir sur le cuir de la chaise longue Genni, dessinée il y a quatre-vingt-dix ans par l’architecte italien Gabriele Mucchi. L’occasion de découvrir son histoire méconnue entre amour, art et engagement politique.
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Genni, l’intemporelle discrète
Malgré son allure moderniste qui aurait pu en faire un objet culte, la chaise longue Genni reste discrète depuis sa création en 1935 par le designer Gabriele Mucchi (1899-2002), expert du mobilier en tube d’acier courbé, un domaine encore novateur à l’époque.
Avec son élégante et ingénieuse structure en acier, inclinable en deux positions, et ses ressorts de suspension assouplissant l’assise, le tout nappé d’un coussin plat, d’un appuie-tête et d’un repose-pied, habillés de cuir, Genni ne déparerait pas dans le décor de murs nus de la Villa Noailles de Mallet-Stevens, à Hyères (83) ou dans la villa E-1027 d’Eileen Gray, à Roquebrune-Cap-Martin (06).

Genni tire d’ailleurs son nom de celui de la femme du designer, l’artiste sculptrice allemande Jenny Mucchi-Wiegmann (1895- 1969). Né à Turin en 1899, fils du peintre Anton Maria Mucchi, Gabriele Mucchi étudie d’abord l’architecture à Bologne avant de se mettre également à la peinture.
Jeune architecte installé à Milan, il réalise en 1934 une maison, Via Marcora, l’un des premiers exemples rationalistes de la ville. Si sa chaise Genni, l’année suivante, est en acier, c’est pour être raccord avec le matériau du bâtiment.
Zanotta et la renaissance d’une pièce culte
Illustrateur dans l’édition, décorateur exposant ses panneaux ornementaux mais aussi membre du mouvement artistique italien Novecento, Gabriele Mucchi est par ailleurs un intellectuel antifasciste, qui participe à l’aménagement des appartements du quartier d’habitation QT8 à Milan, destinés au relogement des personnes évacuées du conflit après-guerre.

À partir de 1956, il met fin à sa pratique architecturale et s’installe à Berlin où il enseigne la peinture à l’université. Après une première carrière, ce n’est que bien plus tard, en 1982, que Genni sort de l’oubli par la volonté d’Aurelio Zanotta, fondateur en 1954 de la marque du même nom.
Lui qui a plusieurs fois collaboré avec des créateurs atypiques, Carlo Mollino en tête, redécouvre cette discrète chaise longue. Frappé par son élégance intemporelle, il la relance aujourd’hui à l’identique. Quatre-vingt-dix ans après sa création, Genni demeure une invitation à la détente toujours aussi puissante.
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