Installée à Milan à deux pas du Duomo, CC-tapis est un éditeur spécialisé dans les tapis hauts en couleur et en motifs fabriqués au Népal. La marque est née à l’initiative d’un couple, Nelcya Chamszadeh et Fabrizio Cantoni, au début des années 2000, à Strasbourg. Mais attirer l’attention du monde du design, quand on est considéré par ce petit milieu – un tantinet élitiste ? – comme « une jeune marque de province » n’est pas facile. Alors en 2011, le couple s’installe à Milan. Fabrizio y suit un master en design intérieur à la Scuola Politecnica di Design. C’est là qu’il rencontre Daniele Lora, qui deviendra par la suite associé et directeur artistique de CC-tapis. « Daniele a totalement dépoussiéré nos collections », constate Nelcya Chamszadeh, cofondatrice et directrice administrative et financière. « Il apporte toute sa cohérence à notre offre, il a un regard et un goût très sûrs. » En plus de son studio de design interne, la griffe multiplie les collaborations.
Parmi les plus connues : Patricia Urquiola, Studiopepe, Ludovica+Roberto Palomba… Parmi les plus récentes, Cristina Celestino, Mae Engelgeer, Bethan Laura Wood, dont le tapis Super Fake a remporté un prix au dernier Salon de Milan, ou encore, pour la dernière collection, Martino Gamper, David / Nicolas, Maarten De Ceulaer… Plus qu’une recherche d’originalité ou une volonté de se démarquer dans un secteur concurrentiel, le point commun à toutes ces collaborations est sans conteste la rencontre. « Notre moteur est la spontanéité, voire une certaine forme de naïveté. C’est ce qui nous guide, reconnaît Nelcya. Nous travaillons à l’instinct et surtout en prenant du plaisir. C’est toujours une question de personnes. »
C’est au Népal, avec Jigmay Dongstetsang, son associé local et responsable de la production, que la marque a choisi de produire ses tapis. Dans ses ateliers de la région de Katmandou, 400 artisans noueurs réalisent les créations en utilisant le nœud tibétain et des matières premières locales. Confrontés au travail des enfants, monnaie courante dans le pays, les dirigeants se sont interrogés sur la façon de lutter contre ce problème. Après avoir imaginé faire appel à des organisations pour certifier que leurs ateliers n’emploient pas de mineurs, il décident de créer leur propre structure : CC-for education, une association à but non lucratif, dont Nelcya est présidente.
« L’association offre aux enfants de nos artisans un accès à l’éducation, explique cette dernière. Nous avons commencé avec huit d’entre eux en 2015, ils sont aujourd’hui 53. C’est un engagement à long terme : nous finançons les uniformes, les frais de scolarité, les livres, en payant directement deux écoles privées. L’accès à une éducation correcte a un prix au Népal : la maternelle coûte 250 $ par an et par élève et la terminale 600 $. Seule la cantine est à la charge des parents, car il est important qu’il puissent participer. » CC-tapis consacre 1 % de la vente de chaque tapis au financement de l’association.
L’initiative est belle et pourtant CC-for education est née dans un contexte douloureux. Car fin avril 2015, alors que le couple est en visite au Népal pour trouver des écoles, un séisme d’une magnitude de 7,9 frappe le pays. Il fera plus de 8 000 victimes. Très touchés, Nelcya, Fabrizio et Daniele montent en quelques jours à Milan l’opération « Design for Nepal » pour lever des fonds. Patricia Urquiola, qu’ils ne connaissent pas, en dessinera le logo. Des marques et des boutiques offriront des objets à vendre. L’opération permettra de fournir un toit à 20 familles et sera répétée les années suivantes.