« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Certes, mais parfois, l’attente a du bon. C’est en tout cas la leçon que l’on pourrait tirer du nouveau système d’éclairage « MOD ». Imaginée par le designer allemand Stefan Diez pour Sammode, cette nouvelle gamme aura mis cinq bonnes années avant d’arriver sur le marché.
Il faut reconnaître que l’idée était ambitieuse : façonner, dans la catégorie de l’éclairage ponctuel, l’équivalent du tube, le célèbre luminaire linéaire de Sammode créé il y a cinquante ans. Au lieu de concevoir un simple spot, Stefan Diez va imaginer avec « MOD » un système complet et ultra-modulable, en se basant simplement sur quatre éléments clés.
Un diamètre unique pour tous les besoins
Sa fixation permet en effet la pose en applique, en plafonnier, en suspension ou sur rail. Un double arceau autorise le réglage de l’orientation et intègre l’alimentation électrique. Le corps principal du luminaire contient le dissipateur thermique, le logement de la source lumineuse et le support de l’ensemble. Enfin, un accessoire – réflecteur, déflecteur ou diffuseur – vient compléter le système.
Proposé dans un diamètre unique de 10 cm, le luminaire parvient à servir tous les besoins et se décline en divers coloris, matériaux et finitions : aluminium perforé, verre extrudé… Au total, 238 typologies sont offertes, mais en ajoutant les puissances, températures de couleur et autres spécificités, les combinaisons avoisinent les 30 000 !
Stefan Diez : « S’appuyer sur les compétences de toute une équipe »
Le projet débute en 2015. Normal Studio, qui vient alors d’endosser la direction artistique de la marque, suggère à Emmanuel Gagnez, le dirigeant de Sammode, de rencontrer Stefan Diez. Un rendez-vous s’organise, suivi d’une visite du site de production en mai 2015. « J’ai été impressionné par l’implication de chacun, par le soin porté à tous les détails, indique Stefan Diez. C’est important pour un designer de savoir qu’il peut s’appuyer sur les compétences de toute une équipe, plutôt que de commander des pièces en Chine ou ailleurs. Je connaissais bien sûr le tube, son authenticité, sa pureté, et la visite de l’usine m’a démontré la relation particulière que chacun avait avec ce produit, qui est dans l’ADN même de l’entreprise. »
Quatre éléments pour 238 typologies différentes…
Le tube sera le point de départ du travail de Stefan Diez qui, en amateur du détail, le dissèque littéralement. Il étudie chaque pièce, en extrait les éléments clés. « Je voulais créer une sorte de boîte à outils universelle, d’une très grande technicité et versatilité, pour la mettre au service des architectes », confie-t-il. Mais telle une boîte de Pandore, la vision du designer est tellement riche qu’elle offre trop de possibilités.
Le projet est mis en stand-by, le temps d’y voir plus clair. « Cette pause n’a pas créé de doute, bien au contraire, explique Emmanuel Gagnez. Stefan Diez était justement en train de faire ce qu’on lui avait demandé : imaginer un système avec un potentiel aussi important que le tube créé il y a cinquante ans, qui ne vienne ni le concurrencer ni le remplacer, mais qui soit un nouvel arrivant dans la famille. Nous avons eu la chance de travailler avec un designer très “Sammodo-compatible”, qui comprend la commande, qui sait penser système et qui a accepté ce temps de gestation pour aboutir à quelque chose de bien meilleur que ce qu’on aurait fait en trente mois. »
Une approche simple et évidente
En mars 2018, le projet reprend du service, nourri par de nouveaux éléments : une meilleure qualité des LED et l’intégration entre-temps d’une équipe de recherche et développement d’une dizaine de personne à Lamotte-Beuvron. À l’heure où Sammode fête les 50 ans de son tube et publie pour l’occasion l’ouvrage Sammode. À plein tube (Flammarion, 2020), la ligne « MOD » ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de l’entreprise.
« Ce projet est totalement lié à l’évolution de Sammode entamée ces cinq dernières années et Stefan Diez a fait partie de ce changement dès le début, indique le dirigeant. Avec sa très forte implication, la simplicité et l’évidence de son approche, il nous permet d’ouvrir de nouvelles portes. » Pour le designer, « MOD crée de nombreuses possibilités. J’espère que les architectes s’en empareront pour en utiliser tout le potentiel », comme ils l’ont toujours fait, à travers des projets aussi discrets que prestigieux, qui vont de la salle de classe à l’aéroport, de l’immeuble d’habitation au hall d’opéra.
