«Autour de 2012, le CEO de Steelcase m’a demandé d’intégrer la fibre de carbone dans les assises de notre catalogue. Dans l’aéronautique, ce matériau était en vogue et beaucoup d’entreprises envisageaient d’abandonner le modèle de développement “pétrole et acier” contre celui “fibre de carbone et électricité”. Cela avait du sens pour une industrie comme la nôtre d’utiliser la fibre de carbone car elle possède d’extraordinaires propriétés physiques. Nous avons commencé par une étude qui a conduit à un premier fauteuil conçu par le designer Michael Young et qui pèse moins de 5 livres (2,2 kg). Cette chaise se concentre sur la légèreté et la robustesse, comme dans l’aéronautique. Sa conception nous a permis de comprendre beaucoup de choses sur ce matériau et ses propriétés.
Un jour, j’étais sur le toit de notre fournisseur chinois de fibre de carbone à Shenzhen. Nous étions en train de regarder la ville et de parler d’athlétisme, un sport qui me passionne, et notamment des prothèses de jambe des paralympiques. C’est alors que j’ai posé la question à mon ingénieur en chef : pouvons-nous mettre à profit la capacité de la fibre de carbone d’agir comme un ressort dans une assise ?
Il est revenu vers mois quelques semaines plus tard avec quelques idées. J’ai donc réuni une toute petite équipe de cinq personnes, designers et ingénieurs mélangés, auxquels j’ai demandé de concentrer leur travail sur ce point précis. Ils ont commencé à plancher en secret pour explorer les propriétés élastiques de la fibre de carbone appliquées à une assise. Après six mois, ils avaient dégagé des concepts intéressants et après un an, on a pu réunir les équipes commerciales et le CEO autour d’un premier projet baptisé Silq. En tout, le processus a pris dix-huit mois, soit la moitié de la durée habituelle. L’idée de base était la suivante : nous vivons dans un monde toujours plus complexe, qui change en permanence, nos fauteuils doivent donc rester simples pour accompagner au mieux notre travail quotidien.
La Silq est donc conçue pour répondre “automatiquement” à la façon dont on s’y assoit. En termes de design, notre but était de remplacer toute la machinerie nécessaire au confort par des matériaux capables de s’adapter à l’utilisateur. Dans la Gesture, notre précédente chaise, il y avait 250 pièces contre une trentaine seulement dans la Silq. La fibre de carbone nous a permis de résoudre cette équation sans sacrifier le confort…
Quand nous avons montré les prototypes aux équipes marketing, leur réaction ne fut pas celle que l’on attendait : “La chaise est magnifique, mais la fibre de carbone est bien trop coûteuse pour en faire une chaise populaire. Pouvez-vous faire la même chaise mais avec un matériau moins onéreux ?” Mes ingénieurs sont restés fâchés pendant une semaine mais ils se sont remis au travail et ils ont trouvé une solution : un matériau plastique qui possède des propriétés physiques quasi identiques à celles de la fibre de carbone. Les résultats ont été si concluants en termes de confort que nous avons finalement décidé de produire les deux versions !
La Silq possède un seul bouton qui sert à ajuster la hauteur de l’assise. Tout le reste s’adapte en fonction de votre position, votre poids, votre taille, votre posture, la façon dont vous interagissez avec la chaise. On m’a dit qu’elle ressemblait à du Gucci sculpté par un ingénieur aéronautique ! Pour qu’elle se fonde dans n’importe quel environnement, nous l’avons habillé de revêtements aux styles bien différents. Certains auraient pu être dessinés par Tom Ford, d’autres par un designer scandinave ou californien, ce qui lui permet de s’intégrer dans un cadre domestique. Mais le tissu peut aussi être imprimé 3D à la demande, il peut donc s’adapter aux désirs du designer qui nous en fait la commande. »
Silq est disponible en deux versions : en polymère ou fibre de carbone (à partir de 970 $).