Elle fait partie d’une petite confrérie, le club très fermé des galeristes français de design contemporain… Des femmes pour la plupart. Béatrice Saint-Laurent, Maria Wettergren, Armel Soyer, Sophie Negropontes, Agnès Kentish… et Marie-Bérangère Gosserez, qui fête les 10 ans de sa galerie en cette rentrée 2020. Celle qui fut d’abord commissaire-priseur, puis pucière à Saint-Ouen et collectionneuse de céramiques vintage inaugure pour cet anniversaire une exposition collective qui mêle ses designers historiques tels qu’Élise Gabriel, Damien Gernay ou Valentin Loellmann à de nouveaux venus, comme la toute jeune Roxane Lahidji.
Car l’aventure de la Galerie Gosserez est surtout une histoire de fidélité et de conviction. « Je me souviens de ma première exposition avec Marie-Bérengère, cela avait été un flop. Et, pourtant, elle ne m’a pas lâché, elle m’a renouvelé sa confiance et a continué à montrer mon travail. Elle m’a offert un solo show avec ma collection en métal et bois, que je développe toujours actuellement », raconte Valentin Loellmann, que la Française a repéré en 2010 lors de la Dutch Design Week, à Eindhoven, peu après sa sortie de l’Académie des beaux-arts de Maastricht, aux Pays-Bas. Il est depuis devenu une valeur sûre du design contemporain. « Je l’ai rencontrée il y a dix ans alors que j’étais encore étudiant, elle m’a suivi dès le début, c’est elle qui m’a rendu indépendant, qui m’a donné cette liberté dont je profite aujourd’hui pour créer », poursuit le designer allemand, qui expose une table en bois et en laiton aux courbes organiques dont il a le secret. « On a passé de longs moments ensemble à installer nos pièces chez les collectionneurs. C’est rare qu’un galeriste consacre autant de temps à cela », estime Valentin Loellmann.
Une recherche constante sur la matière
Une collaboration basée sur la confiance que Marie-Bérangère cultive depuis toujours : « Mon souhait est que les designers avec lesquels je travaille jouissent d’un espace de liberté pour continuer à innover et à produire. Pour moi, ce sont presque autant des artistes que des designers, voire des artisans, parce que la plupart d’entre eux fabriquent eux-mêmes leurs pièces. » C’est le cas de Diane de Kergal, qui développe un projet de suspensions avec une magnanerie (lieu d’élevage de vers à soie) des Cévennes. « On part toujours du savoir-faire pour arriver à une pièce », détaille Marie-Bérangère. Car ce qui fait la patte Gosserez, c’est cette recherche sur la matière première. « Je suis sans cesse à l’affût de nouvelles ressources, les algues, l’émail… Par exemple, j’ai tout de suite craqué pour le tabouret en celloderme (un carton dur haute densité, NDLR) qu’Élise Gabriel montre pour notre anniversaire, un matériau qu’elle a découvert en visitant une cartonnerie. J’adore le travail artisanal de la matière, le côté craft, les pièces uniques, atypiques. Et tout ce que je présente à la galerie correspond à ces critères. »
« Elle valorise un travail sobre, basé sur la qualité des matériaux, et a développé dans sa direction artistique un rapport à la matière très affûté entre la sculpture et le design », explique Élise Gabriel. Toutes ces pièces, qui s’inscrivent dans l’histoire des arts décoratifs, sont en harmonie avec l’espace de la rue Debelleyme, à Paris, qu’elle a inauguré il y a un an et demi : « J’ai eu le coup de foudre pour la pierre, qui se marie si bien avec mes collections. » Au fil des ans – les designers avec qui elle collabore sont unanimes –, son regard aussi s’est affiné, faisant d’elle une professionnelle qui compte dans le petit milieu du « collectible design » contemporain.
Singularité et authenticité
Un œil qui fait la part belle à l’artisanat, aux lignes organiques et au rapport à la matière… Des éléments dans l’air du temps, au fort potentiel de séduction. Beaucoup de clients, en quête à la fois de singularité et d’authenticité, se pressent dans sa galerie et sur son stand dans les foires, notamment le PAD, où elle expose depuis 2013. Des collectionneurs, mais également des décorateurs comme le studio KO ou l’agence Double g. Une vision collaborative qu’elle partage même avec ses confrères, puisqu’elle se réjouit de l’arrivée de la ToolsGalerie dans son quartier du haut Marais, à Paris. « Plus nous serons nombreux à porter cette parole du design contemporain, mieux ce sera », conclut la professionnelle, tournée avec confiance vers l’avenir.
> « Galerie Gosserez : 2010-2020 ». À la Galerie Gosserez, 3, rue Debelleyme, 75003 Paris, jusqu’au 10 octobre. Tél. : 09 53 30 10 78.