Après des semaines de buzz autour de ses décors édulcorés, Barbie, le film le plus attendu de l’été, sort enfin en salles. Tourné en décors réels, ce bonbon visuel reproduit fidèlement l’univers exubérant et absurde de la célèbre poupée – tout en multipliant les clins d’œil au design des années 60.
Un réfrigérateur dont le contenu n’est qu’un simple dessin en 2D, une douche qui « lave » sans eau, une brosse à dent dont le dentifrice rigide ne disparaît jamais ou des verres d’eau éternellement vides…. Toutes ces aberrations rappelleront forcément des souvenirs à quiconque a un jour joué avec la maison de Barbie.
Plongée en enfance garantie, le film de Greta Gerwig — tourné en prise de vues réelles — donne vie à cet univers fantasque sous nos yeux émerveillés. « Je voulais qu’on ait envie de traverser l’écran pour tout toucher. Retrouver cette émotion où petite chez Toys’R’us, je restais plantée à détailler chaque accessoire exposé derrière le plastique, avec la furieuse envie de tout déballer ».
Si l’intrigue se joue volontiers des clichés qui pèsent sur son héroïne (la conduisant brièvement dans notre réalité pour mieux en souligner ses travers sexistes, au grand dam de Ken), l’humour du film Barbie repose entre autres sur les nombreuses invraisemblances qui jalonnent son quotidien imaginaire. « Barbie se réveille avec l’haleine fraîche, une coiffure impeccable et le pyjama défroissé, prête pour une autre merveilleuse journée à Barbie-Land » s’amuse son interprète Margot Robbie.
Après s’être vêtue d’une tenue présentée comme un jouet sous Blister, elle s’élance dans un immense toboggan en spirale pour atterrir sur la surface dessinée d’une piscine avant de marcher littéralement sur l’eau « Mais elle peut aussi sauter directement du troisième jusqu’à sa voiture, car au fond personne n’a jamais fait emprunter tout l’escalier à sa poupée dans la vraie vie » ajoute la comédienne.
Jouer à la poupée
Pour façonner ce monde grandeur nature, la réalisatrice s’est tournée vers Sarah Greenwood et Katie Spencer, deux set-designeuses londoniennes habituées jusqu’alors aux films d’époque tels qu’Orgueil et Préjugés ou Anna Karenine. « Si vous construisez tout un univers -peu importe qu’il soit géorgien ou celui de Barbie – il faut plonger dedans en apprenant ses codes » relativisent les deux créatrices qui commencèrent par commander une Dreamhouse (la maison de Barbie) sur Internet pour l’étudier de plus près. « On a été surprises par son échelle bizarre où les plafonds sont bas et quelques pas suffisent pour sortir de la pièce ».
Reproduisant cette sensation étriquée, les volumes des quatre maisons construites dans les studios londoniens de la Warner (auxquelles s’ajoute la cabane de Skipper, l’éternelle petite sœur) sont volontairement réduits de 23%, rendant ainsi les personnages trop grands dans l’espace. « On a affaire à des jouets » rappelle Katie Spencer, s’interrogeant sur les codes propres au design de ces produits. « Par exemple, il n’y a nulle part où se cacher chez Barbie puisque sa maison n’a pas de murs » poursuit Sarah Greenwood, soulignant au passage que « bien qu’elle ait la lumière, une cheminée et même un bain à remous, il n’y a ni eau, ni feu, ni électricité mais tout fonctionne quand même ». Un non-sens métaphysique avec lequel tant d’enfants ont pourtant dû composer.
Variations autour du rose
Au-delà de son architecture étrange et déstructurée, Barbie met en scène une maison aménagée comme une bonbonnière teintée de design des années 60. « Le fait que la poupée ait été inventée en 1959 nous a autorisé à puiser dans cette époque » explique Greta Gerwig, évoquant pêle-mêle les comédies musicales de Gene Kelly, la Kaufman House de Richard Neutra (1946) ou les maisons colorées de Palm Springs.
Si l’on distingue clairement une salle à manger Tulip (Eero Saarinen), une Ball-chair suspendue (Eero Aarnio) ou quelques lampes Tiffany, Katie Spencer justifie : « Toutes ces pièces intemporelles trouvent forcément un écho dans l’une des Dreamhouses commercialisées un jour par Mattel ».
Mais qu’il soit né de l’imagination de la marque ou de celle d’un designer célèbre, cet aménagement ne serait pas estampillé Barbie sans sa palette saturée de rose. « Je ne saurai dire combien de réunions, nous avons eues à ce sujet » raconte la réalisatrice, identifiant plus d’une centaine de nuances sans pourtant retenir le bubble-gum distinctif de chez Mattel. « Nous n’avons pas du tout utilisé leurs couleurs mais créée les nôtres pour servir notre propre design. Il s’agit plutôt d’un hommage balayant presque 70 ans d’histoire » confie la cheffe décoratrice.
Presqu’intégralement roses (au point de provoquer une rupture de stock des peintures Rosco lors de leur fabrication), les décors de Barbie sont si extraordinaires qu’ils méritent à eux seuls le détour. Bonne surprise, ce réjouissant spectacle visuel est également servi par un scénario plein de second degré qui dépoussière sérieusement le mythe de la plus célèbre poupée du monde. Une sucrerie parfaite pour les vacances.