L’histoire du design retient les créations scandinaves, français, italiens mais qu’en est-il des autres pays ? De l’Espagne notamment ? Nous viennent en mémoire, l’œuvre moderniste d’Antonio Gaudi au début du XXème siècle et le Pavillon allemand de Mies van der Rohe à Barcelone en 1929. Puis s’écoulera un demi-siècle d’obscurité pour le design catalan avant qu’il ne ressurgisse avec l’effervescence des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Revenons sur cette histoire oubliée à travers une pièce devenue aujourd’hui iconique : le fauteuil BKF.
Le fauteuil BKF alias « Butterfly»
À l’origine intitulé Silla BKF, c’est la maison d’édition américaine Knoll qui, suite à son succès fulgurant, nommera le fauteuil BKF «Butterfly Chair» en 1959, effaçant alors l’image du trio d’architectes derrière ce célèbre dessin.
À quoi le sigle BKF fait-il référence ? À la première lettre des noms de ses inventeurs : le catalan Antoni Bonet et les Argentins Juan Kurchan et Jorge Ferrari-Hardoy. Si les Espagnols en font une pièce iconique et nationale imaginée par Antoni Bonet, l’assise fut créée à six mains. Le catalan apporta néanmoins certaines spécificités qui furent cruciales pour le développement du design espagnol.
Antoni Bonet, un architecte précurseur du design espagnol
Antoni Bonet débute sa carrière d’architecte dans une Espagne franquiste, meurtrie par la guerre civile. Les disciplines artistiques sont alors sous l’emprise d’un mouvement rationaliste qui ne laisse aucune liberté créative. Malgré l’impulsion du groupe d’architectes catalans GATCPAC qui promeut un mouvement moderne de l’architecture, Bonet quitte son pays à la découverte des courants avant-gardistes européens.
Il intègre en 1936 l’atelier de Le Corbusier et rencontre ses futurs collaborateurs argentins. Ensemble, ils installent leur studio Austral à Buenos Aires, et dessine sans attendre, le fauteuil BKF qui fera leur renommée.
Une assise qui donne des ailes
Le fauteuil BKF voit le jour en 1938. C’est une chaise d’une extrême simplicité qui aborde les problématiques de l’époque, à la fois sociales et artistiques. Influencé par les mouvements modernes et par Le Corbusier, le trio imagine ce squelette en tube de fer simplement habillé d’une pièce de cuir. L’assise devient la parfaite synthèse de leurs idées. Une silhouette linéaire et organique, empruntée de l’école surréaliste, et l’emploi de matériaux naturels et industriels qui permet une production en série accessible. En résulte cette pièce fonctionnelle et accessible à tous.
Le succès fut immédiat et international. Dès 1940, le fauteuil BKF s’expose dans la collection permanente du MoMA de New York et s’édite en de nombreuses séries ; parfois de manière illégale. Il sera l’une des assises les plus imitées au monde et demeure aujourd’hui l’incarnation du design moderne.