Lancée par le magazine indépendant The Steidz – écriture phonétique de « la scène » en anglais – il y a tout juste un mois, la galerie nous plonge dans l’exposition Body Fluid. Un corps en mouvement qui risque à tout moment de se métamorphoser. Zoom sur The Steidz Project Room.
The stage [steɪdʒ]
Maxime Gasnier, co-fondateur du lieu avec Sébastien Maschino, évoque l’objet de cette première exposition : « Rendre visible la relation corps/objet et mettre en lumière ce qui est immatériel.» Valentin Abad, Claire Duport, Cécile Bouffard, Akis Karanos, Lucie Khahoutian et Wainting For Ideas, six jeunes artistes aux multiples talents, ont ainsi habillé les murs encore vierges de The Steidz Project Room.
A travers cette galerie, le duo de curateurs souhaitait concevoir un espace physique où chaque artiste – publiés dans leurs précédents magazines -, pouvait exposer ses œuvres de manière concrète : «Notre galerie est une sorte de mise en page en format réel.» Photographes, designers, sculpteurs, tous ont été repérés par les yeux aguerris de Maxime et Sébastien qui se sont rendus notamment dans des ateliers d’artistes ou au sein de collectifs. «On les découvre aussi à travers une communauté de jeunes foires, galeries, lieux tenus par des artistes et curateurs particulièrement active, qui correspond à des esthétiques alternatives dans lesquelles The Steidz se reconnaît.» ajoute Maxime Gasnier.
Des oeuvres équivoques
Il y a dans l’œuvre de chacun des artistes exposés, un rapport au corps assez énigmatique. Avec sa série photographique «Les Liants», Valentin Abad interpelle. Ici, une logique d’association propre à chaque élément met en éveil nos sens ; l’odorat avec une rose fanée ou le goût avec un chewing-gum déjà mâché. L’artiste nous présente également Interne, une sculpture en bois représentant un visage allaitant qui ne demande qu’à être sauvé d’un monologue intérieur qui l’obsède. Monologue représenté, quant à lui, par des maillons en céramique. Avec ses textiles matelassés psychédéliques, Claire Duport offre des écrins sécurisants couleur chair, à la façon d’une seconde peau.
Il y a plus de 500 ans, une Strasbourgeoise prise d’une fièvre dansante durant des jours entraîna dans sa folie de nombreuses personnes dansant avec elle. Cette aliénation, la plasticienne Cécile Bouffard l’a représentée dans Frau Troffea, son œuvre en relief. On découvre aussi la série de collages graphiques «Anaesthetism» – contraction d’anesthésie et du mot anglais aestheticism – du photographe grec Akis Karanos qui assemble une bribe de visuels corporels qu’il trouve dans des magazines, des publicités ou sur Internet. Plus loin, un mur de The Steidz Project Room a été dédié aux collages imprimés sur du taffetas de Lucie Khahoutian : «L’artiste qui est arménienne va jouer avec l’iconographie de son pays tout en travaillant sur une idée de flux migratoire.»
Enfin, la chaise hypnotique Slurp – gorgée en anglais – du studio Waiting For Ideas imaginée par le designer autodidacte Jean-Baptiste Anotin, laisse planer le doute. Cet objet hallucinogène aspire un liquide violet qui ondule sous nos yeux sans que nous puissions l’arrêter. «Le purple drank est une boisson phare à base de sirop codéiné que tous les rappeurs américains consommaient il y a de ça quelques années. Je me suis inspiré de cette boisson : on peut voir se dessiner dans la chaise des courbes déformées.» ajoute le designer. Une immense paille – composée de sept tubes en aluminium – poli et peinte à l’aide d’un pistolet de carrosserie qui questionne sur l’impact de certaines substances liquides sur notre corps en perpétuel évolution.
> Exposition Body Fluid à voir jusqu’au 26 mars 2022 à la galerie The Steidz Project Room. 40, rue de Tourtille, 75020 Paris. Thesteidz.com