S’il est une typologie qui concentre à elle seule l’ensemble des problématiques de son temps, c’est bel et bien l’hôtel. Miroir de son époque, il absorbe et anticipe les nouveaux modes de vie et de travail tout comme il accompagne les mutations sociétales, économiques et culturelles. En perpétuelle évolution, l’hôtel est un passionnant réceptacle sur lequel le Pavillon de l’Arsenal se penche en ce début d’automne avec « Hôtel Métropole ».
Aux manettes de cette exposition, deux journalistes spécialistes de l’architecture et de la ville, Catherine Sabbah et Olivier Namias. Ensemble, ils dressent un état des lieux de l’industrie hôtelière parisienne et francilienne. Et la tâche n’était pas aisée puisqu’il n’existe quasiment aucune littérature sur le sujet. Ils balayent ainsi deux siècles d’histoire, depuis l’ouverture de l’hôtel Meurice en 1818 en passant par l’essor du tourisme de masse et l’industrialisation jusqu’au renouveau des hôtels désormais envisagés comme des lieux de vie ouverts à tous.
L’exposition ouvre sur un état des lieux chiffré très instructif où l’on apprend entre autres que 16 % des hôtels français, soit 2 053 établissements, sont à Paris. Deuxième place sur le podium, mais très loin derrière : Lourdes ! La palette de l’offre est analysée dans tout son éclectisme : 12 palaces mais aussi 12 800 chambres qui accueillent quotidiennement les sans domicile fixe ainsi que les populations les plus fragiles. Des chiffres qui démythifient également l’impact supposé d’Airbnb sur l’hôtellerie. Depuis son arrivée à Paris en 2014, l’indice de rentabilité des hôtels ne cesse d’augmenter. Les seules baisses ont été constatées lors des grands événements historiques tels que le 11 septembre, la crise financière de 2008 ou les attentats de 2015. Ce qui ne change rien au fait que certains quartiers se vident de leurs habitants au profit des locations saisonnières, mais c’est une autre histoire !
Les deux commissaires invités se sont livrés à un travail d’inventaire où l’on (re)découvre des adresses mythiques mais aussi des établissements moins réputés. Ils interrogent les usages, s’attardent sur le lobby, abordent les reconversions et décortiquent cette « machine active ouverte 24h sur 24 et 365 jours par an » qu’il faut sans cesse renouveler.
Parallèlement à cette autopsie historique, « Hôtel Métropole » questionne l’avenir : les commissaires et le Pavillon de l’Arsenal ont demandé à quatre agences d’architecture d’inventer l’hôtel de demain à l’aune des nouveaux enjeux écologiques. Cigüe, Nicolas Dorval-Bory associé à Vorbot, Lina Ghotmeh et Jean-Benoît Vétillard se sont prêtés à l’exercice. Ciguë imagine une salle de bains vertueuse permettant de consommer moins d’eau ; Nicolas Dorval Bory et l’agence Vorbot proposent de décarboner les nombreux mètres linéaires de couloirs avec l’usage exclusif du bois, gaines de réseaux comprises ; Jean-Benoît Vétillard réinterprète la marquise en utilisant la fibre végétale ; quant à Lina Ghotmeh, elle conçoit une chambre capable d’accueillir d’autres usages. Ses 24 m² sont transformés en boîte à outils où dormir n’est qu’une fonction parmi d’autres. Les quatre prototypes réalisés à l’échelle 1 jalonnent le parcours, conférant à l’exposition une dimension prospective bienvenue.
L’histoire est loin d’être achevée et l’hôtel n’a pas fini de se réinventer. Alors que Paris s’apprête à accueillir les JO de 2024, pas moins de 150 projets à l’étude ou en cours de construction vont venir doper l’offre de la région. De quoi asseoir la réputation de la capitale française qui a assuré plus de 52 millions de nuitées en 2018.
> Exposition « Hôtel Métropole ». Jusqu’au 12 janvier 2020. Au Pavillon de l’Arsenal. 21, boulevard Morland, 75004 Paris. www.pavillon-arsenal.com